Le “gros mot” de Jean-Paul Pelras
Parmi les scénarios qui menacent notre pays il en est un relativement peu évoqué, car il semble dévolu à une autre époque. Cette époque chantée par Jean Ferrat dans “Maria” : «Les deux garçons de Maria n’étaient pas dans le même camp, n’étaient pas du même combat. L’un était rouge et l’autre blanc. Qui des deux tira le premier le jour où les fusils parlèrent ? Et lequel des deux s’est tué sur le corps tout chaud de son frère ?» Jean Claude Massoulier qui écrivit les paroles de cette chanson faisait bien sûr référence à la Guerre d’Espagne qui opposa Nationalistes et Républicains entre 1936 et 1939. Une partition fratricide plus communément appelée “guerre civile” qui, quand elle advient, laisse peu d’espace à la raison. Autrement dit à ce qui sépare les extrêmes. Nous y voilà peut-être, ici en France désormais, avec une atomisation des partis réputés modérés et l’avènement du “tous les coups sont permis” ! Une forme d’impunité politique fréquente depuis quelques mois au sein de l’Assemblée nationale avec des invectives qui fusent sans retenue et des débats débraillés qui empruntent à la surenchère politicienne. Celle qui n’a pas grand-chose à voir avec le sens des priorités.
Payés avec nos deniers, les belligérants se toisent et s’insultent dans une arène fermée d’où, lorsqu’elles émergent, les clameurs nous parviennent par l’intermédiaire des médias. Jusqu’ici rien de bien grave, si ce n’est le spectacle affligeant que nous offrent certains représentants de l’État. Le problème étant surtout ce carburant qu’ils déversent sur la société, ce combustible incendiaire qui surchauffe les esprits, conditionne les pensées et pourrait, s’il se transporte dans la rue, s’embraser à la moindre étincelle.
Dimanche dernier en essayant de mobiliser sur le pavé, les extrêmes ont dangereusement joué avec les allumettes. À l’approche du mois de mai, historiquement propice aux montées de sèves insurrectionnelles, le contexte politique pourrait, comme il le fait pour l’instant au comptoir des bistrots et lors des repas dominicaux uniquement, précipiter quelques irréversibles partitions. Le bricolage constitutionnel et l’absence de majorité clairement définie ou aléatoirement usurpée pourrait, de facto, encourager les extrêmes à revendiquer le pouvoir.
Au balcon, occupé à compter les points et à faire diversion, celui qui a laissé dériver le yacht transformé en rafiot tout en essayant de capitaliser sur sa personne, entend peut-être maîtriser la situation. Qui va alors se soucier des 3305 milliards de dettes cumulés quand les pavés commenceront à voler ?
Reste à savoir où se trouve le dirigeant providentiel, celui qui, in fine, va sortir du lot pour faire cesser la chienlit, rassurer les Français, promouvoir la concorde au lieu de spéculer sur le désordre. Pas grand monde, de toute évidence, au générique pour tenir le rôle. Du moins tant que les partis cloisonneront les investitures en privilégiant l’entre soi. Faisant de la République un cercle réservé à ceux qui se chamaillent pendant que le peuple se divise et pourrait, par un jour funeste, connaître le sort des enfants de Maria.
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