C’est une petite ritournelle qui fait et refait son chemin. Peut-on porter un couteau traditionnel pliant dans sa poche sans risquer la sanction, l’amende, la contredanse, la contravention ? Une question posée encore récemment au ministre de l’Intérieur par le sénateur aveyronnais Jean-Claude Anglars. Lequel s’est inquiété, à juste titre (lire par ailleurs), pour ses compatriotes fabricants ou utilisateurs du Laguiole, du Sauveterre, du Najac, du Larzac et autre Liadou.
Il semblerait toutefois que la tradition puisse encore être préservée car, comme le précisait la porte-parole du gouvernement, ces couteaux peuvent être «appréciés comme un outil utilitaire de la vie rurale». Ouf, du moins jusqu’au prochain épisode, car il peut toujours en coûter 500 euros à celui qui ne parviendrait pas à justifier la détention dudit surin classé en catégorie D.
Oui, «ouf» car, de toute évidence, le législateur sait encore (peut-être) établir une différence ente celui qui utilise son canif pour découper un morceau de fromage ou de jambon sur l’aire d’un pouce et couper la ficelle qui lie les bottes de foin avec celui qui s’en sert pour piquer et occire à tout bout de champ (ou plutôt de ville) le chaland qui se refuse à lui donner son larfeuil, son code bancaire ou son téléphone portable.
Que deviendraient, à ce titre, les vide-poches de nos C15 conduits par des paysans, des artisans et des commerçants s’ils étaient confondus avec la boîte à gants de quelques berlines aux vitres fumées pilotées par des «mauvais sujets» inconditionnels de la grosse bagouse, de la gourmette dorée, de la came refourguée et de la casquette retournée ? Et que seraient, aux premiers tourbillons de l’automne, ces escapades champêtres où l’on est censé débusquer le bolet, sans cet outil dégainé entre le hêtre et le châtaignier dans le forêt du Devez ou sur les versants de Brameloup ? Car, au-delà de la législation, il faut savoir distinguer ce qui sert et ce qui dessert l’individu.
Mais ce qu’il faut surtout se demander, c’est, à l’heure où les rafales de kalachnikovs et celles des fusils d’assaut arrosent le quotidien diurne et nocturne de certaines cités, pourquoi les Assemblées ne font pas de ce fléau “LA” priorité. Car si l’histoire du couteau utilisé par le paysan a suscité quelques remous bien justifiés, nous pouvons nous demander pourquoi celle des armes lourdes détenues impunément est toujours, malgré la loi, plus que jamais d’actualité.
Ou comment, encore une fois dans cette société, il faut faire diversion en allant chercher la paille qui masque la poutre, alors que la poutre est en train de pourrir sous le plafond qui menace de s’écrouler.
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