Chronique
D'emblée, précisons que le Père Noël, tel que nous le connaissons aujourd'hui, n'est apparu qu'au XIXe siècle. Ce personnage est, en quelque sorte, la version laïcisée de saint Nicolas que l'on fête habituellement le 6 décembre. Toutefois, notons qu’au temps du calendrier Julien, ce jour tombait un 19 décembre, ce qui nous rapproche considérablement de Noël.
Après cette précision, rappelons maintenant la vie de ce saint qui était originaire d’Anatolie. En effet, saint Nicolas naquit à Patara, en Lycie (antique province de l'Asie Mineure, sud de l'actuelle Turquie), dans la deuxième partie du IIIe siècle. Ses parents, Euphémius et Anne, désespéraient d’avoir un enfant lorsqu’un messager céleste vint leur annoncer la naissance prochaine d’un fils qu’ils devraient prénommer Nicolas.
Étant enfant, Nicolas reçut une très bonne éducation, fit preuve d’une piété précoce et réalisa ses premiers miracles. Parvenu à l’âge adulte, et ayant depuis longtemps perdu ses parents, Nicolas commença à se dépouiller de tous ses biens pour les distribuer aux pauvres.
Un jour, il apprit qu'un habitant de la ville de Myre (ancienne ville de Lycie) s'apprêtait à prostituer ses trois filles qu'il ne pouvait plus nourrir. Bien décidé à empêcher le père d’en arriver à de telles extrémités, Nicolas profita de la nuit pour aller jeter dans la chambre de cet homme, par une fenêtre restée ouverte, une bourse remplie de pièces d’or. À son réveil, le père eut la joie de découvrir le contenu de la bourse et utilisa cette somme pour marier sa fille aînée.
Mais Nicolas n’en resta pas là. Il renouvela son opération nocturne à deux reprises, car il restait deux autres filles à marier. Mais lors de sa troisième “expédition”, Nicolas fut surpris par le père qui veillait cette nuit-là afin de découvrir son bienfaiteur. C’est ainsi que le monde entier connut la générosité de saint Nicolas.
Devenu prêtre et supérieur d’un monastère appelé la Sainte-Sion, Nicolas fut finalement sacré archevêque de Myre. Parmi tous les miracles qu’il réalisa au cours de sa vie, nous nous devons d’en citer un en particulier : ce jour où il ressuscita trois jeunes écoliers qu'un hôtelier avait égorgés et déposés dans son saloir afin d'en utiliser ultérieurement la chair pour les besoins de son auberge.
Une autre version de cette histoire veut qu’il ressuscitât ces trois enfants, qu’un méchant homme avait traités avec la même barbarie et dont il vendait la chair hachée comme de la viande commune, sur le chemin de Nicée. C’est très vraisemblablement en considération de ce miracle que saint Nicolas devint notamment le patron des écoliers et petits garçons.
Décédé au cours du IVe siècle, saint Nicolas fut inhumé à Myre où son corps demeura jusqu'en 1087, date à laquelle des marchands italiens originaires de Bari s'emparèrent de sa dépouille pour la ramener chez eux. Toutefois, quelques reliques du saint furent transférées depuis Bari jusqu'à l'église de Port, en Lorraine, cette dernière ville, située au sud-est de Nancy, ayant été rebaptisée pour adopter le nom de Saint-Nicolas-de-Port.
La fête de la Saint-Nicolas
La dévotion à ce saint gagna bientôt toute l'Europe et, pendant des siècles, on fit défiler, le 6 décembre, dans les rues de très nombreuses villes européennes, un homme déguisé en saint Nicolas qui distribuait des friandises et des jouets aux enfants sages.
À noter que ce saint Nicolas, portant mitre et crosse épiscopales, était toujours accompagné de son âne et, parfois, du père Fouettard, dont le rôle consistait à menacer les garnements de châtiments corporels. Nous signalons ici que le père Fouettard n'aurait été autre que Pierre Lenoir, un boucher ayant tué et découpé en morceaux plusieurs enfants avant que ces derniers ne soient reconstitués et ressuscités par saint Nicolas (voilà une histoire similaire à celle des écoliers rapportée plus haut).
De saint Nicolas vient aussi la tradition de suspendre des chaussettes à la cheminée pour y recueillir des présents. En effet, on raconte qu'en passant un jour près d'une maison où demeuraient des enfants très pauvres, saint Nicolas jeta par une fenêtre des pièces d'or qui atterrirent directement dans les chaussettes que les enfants avaient disposées devant la cheminée afin de les faire sécher.
La longue tradition de saint Nicolas distribuant des récompenses aux enfants faillit pourtant disparaître au XVIe siècle avec la réforme protestante, qui voulait supprimer le culte des saints. Néanmoins, beaucoup de pays, comme la Belgique, l'Allemagne, l'Autriche, la France (dans sa partie nord-est) ou encore les Pays-Bas, conservèrent leur saint Nicolas jusqu'à aujourd'hui.
De saint Nicolas à santa Claus
Mieux, la coutume de saint Nicolas traversa l'océan Atlantique pour aller s'installer aux Etats-Unis. Ce sont les Hollandais émigrés dans ce pays qui apportèrent avec eux leur “Sinter Klaas” (nom néerlandais pour saint Nicolas), lequel deviendra le fameux “Santa Claus”.
Mais, aux Etats-Unis, la tradition de Santa Claus évolua, tout d'abord en déplaçant la distribution des cadeaux du 6 décembre au 25 décembre, Noël devenant ainsi la fête des enfants. Et puis, il y eut la publication, en 1823, d'un merveilleux conte (écrit par un professeur d'université protestant et new-yorkais du nom de Clement Clarke Moore), lequel eut une influence considérable dans l'évolution du vieux saint Nicolas en un Père Noël s'émancipant de sa dimension religieuse tout en reprenant des mythes du nord de l'Europe.
Dans ce texte, intitulé “A visit from St-Nicholas”, Moore nous dépeint un Santa Claus dépourvu de ses attributs épiscopaux, aidé dans sa tâche par des lutins et se déplaçant à bord d'un traîneau volant tiré par huit rennes (Fougueux, Danseur, Fringant, Rusé, Comète, Cupidon, Tonnerre et Eclair). À cet attelage, le poète Robert L. May ajoutera, en 1939, Rodolphe, un renne au nez lumineux qui permet de s'orienter dans les tempêtes.
Lorsque l’image du Père Noël s’est imposée
L'illustrateur américain Thomas Nast joua également un rôle non négligeable dans la création du Père Noël, étant donné qu'il fut sans doute le premier, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, à le représenter sous la forme d'un vieillard bien en chair, vêtu d'un costume rouge garni de fourrure blanche et portant un large ceinturon de cuir. Du reste, c'est aussi à Nast que nous devons la localisation de la demeure du Père Noël au pôle Nord.
Il est donc faux d'attribuer la représentation moderne du Père Noël à la marque Coca-Cola, car celle-ci n'a fait qu'emprunter son image. Reconnaissons, toutefois, qu'elle a contribué à la populariser grâce à sa campagne publicitaire de 1931 et aux admirables dessins de l'artiste Haddon Sundblom.
Enfin, nous remarquerons que le personnage du Père Noël s'imposa dans la vieille Europe à partir de la Première Guerre mondiale, bien qu'un «“ather Christmas” ait déjà vu le jour en Grande-Bretagne dès la fin du XVIIe siècle, et que le vieil homme de Noël (“Weihnachtsmann”) soit réapparu dans les contrées allemandes au cours du XVIIIe siècle…
Pascal Cazottes
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