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Les grands hommes de l'Aveyron. Le général de Curières de Castelnau, une vie à l’honneur [4/5]

Aveyron. Dans ce quatrième épisode, nous allons rappeler le rôle primordial que joua le général de Curières de Castelnau au début de la Grande Guerre, ayant notamment remporté, coup sur coup, deux victoires d’une importance capitale : celle de la Trouée de Charmes et celle du Grand Couronné.

Les grands hommes de l'Aveyron. Le général de Curières de Castelnau, une vie à l’honneur [4/5]
Portrait du général de Curières de Castelnau paru dans L'Illustration.

Si de Castelnau n’était pas parvenu à contenir, puis à repousser, un ennemi bien supérieur en nombre et en matériel, sans doute que les autres armées françaises eussent continué de battre en retraite sans seulement envisager de contre-attaquer. Et, dans ces conditions, la bataille de la Marne, qui mit un arrêt définitif à la progression allemande, n’aurait jamais eu lieu. Mais si notre général avait eu le bonheur de goûter à la gloire des vainqueurs, ce même bonheur fut malheureusement entaché par la mort de deux de ses fils tombés au champ d’honneur : Xavier et Gérald (il en perdra un troisième — Hugues — en 1915).

Fort heureusement pour la France, le général de Castelnau, qui fut longtemps oublié dans son poste de colonel du 37e Régiment d’Infanterie, tenant garnison à Nancy, pour des raisons de basse politique, vit sa valeur enfin reconnue et gravit rapidement, dès lors, les échelons, au point de devenir général de division le 21 décembre 1909, 1er sous-chef de l’État-Major de l’armée le 2 août 1911 (se trouvant donc placé juste en-dessous de Joffre, généralissime et chef d’État-Major, et devenant, de facto, son collaborateur immédiat) et commandant de la 2e armée le 2 août 1914.

Or, c’est précisément dans la région de Nancy que la 2e armée fut déployée, là où de Castelnau s’attendait à une forte offensive allemande : «Cette offensive, si elle est couronnée de succès, livre à l’invasion les portes de la trouée de Charmes et lui ouvre la voie la plus directe pour atteindre, par Neufchâteau, la vallée de la Marne».

Les premiers combats

Lorsque la guerre éclata (l’Allemagne ayant déclaré la guerre à la France le 3 août 1914), l’État-Major, allant à l’encontre des préconisations d’Édouard de Curières de Castelnau qui souhaitait mettre en place une défense stratégique (beaucoup moins gourmande en vies humaines), préféra adopter le dogme de l’offensive à outrance, sans se soucier du sort de ces dizaines de milliers de soldats qui ne manqueraient pas de mourir pour la France dès les premiers combats.

Obéissant aux ordres, de Castelnau se préparait donc à lancer son offensive en Lorraine, sans artillerie lourde, sous la menace de la place forte de Metz (entre les mains des Allemands depuis la guerre franco-allemande de 1870-1871), et après que l’on eût amputé son armée du 18e corps et de deux divisions de cavalerie (le 9e corps lui sera également enlevé au beau milieu de la bataille).

Tout en faisant poursuivre la construction d’ouvrages défensifs dans les environs de Nancy (travaux déjà commencés sous son impulsion, notamment sur le Grand Couronné), de Castelnau donna l’ordre à son armée, le 14 août 1914, de passer à l’attaque. Celle-ci était composée des 20e, 15e et 16e corps, d’une division du 9e corps (qu’il conservera tandis que le reste du 9e corps sera envoyé vers l’ouest) et de trois divisions de réserve. Mais, en face, l’ennemi aligna des troupes beaucoup plus nombreuses et, surtout, fit usage de son artillerie lourde.

Aussi, après plusieurs jours de combat pendant lesquels nos soldats ne déméritèrent pas, loin de là, de Castelnau dut se résoudre à faire battre en retraite son armée. De retour à Nancy, le général de Castelnau échafauda le plan de la prochaine bataille. À cet effet, il fit reprendre et achever les travaux de défense du Grand Couronné et demanda qu’on y installât des canons de gros calibre venus directement de Toul. Il organisa également une retraite parfaite, tous ses hommes ayant été rassemblés puis dirigés vers leurs nouvelles positions avec une rapidité exemplaire.

Seule ombre au tableau : on apprenait, dans la soirée du 20 août, la mort d’un des fils du général, Xavier de Castelnau, tué au moment où, placé à la tête d’une compagnie de chasseurs, il était parvenu à repousser l’ennemi. Le général Anthoine, chef d’état-major du général de Castelnau, décida de cacher cette terrible nouvelle à son supérieur, du moins jusqu’à ce que celui-ci ait terminé d’expédier ses ordres les plus importants, ce qui n’arrivera que dans la nuit du 21 août. Abattu par son malheur, de Castelnau se ressaisira au petit matin, répondant à ceux qui lui exprimaient leur sympathie : «Continuons, Messieurs».

La bataille de la Trouée de Charmes

Dès le 24 août dans la matinée, l’imposante VIe armée bavaroise du prince Rupprecht de Bavière franchit la Meurthe et la Mortagne pour se diriger vers le sud, ainsi que de Castelnau l’avait prévu. Alors que les 15e et 16e corps attendaient de pied ferme, avec une fraction du 20e corps, la déferlante ennemie, une division du 20e corps et les troupes disponibles des divisions de réserve attaquèrent les Bavarois sur leur flanc droit, ce qui eut pour effet de ralentir leur progression.

L’ennemi fut également bloqué au passage du pont de Gerbéviller où soixante chasseurs à pied français tinrent tête, presque toute la journée, à une entière brigade bavaroise. En représailles pour cette défense héroïque, les Allemands massacreront plus de 80 civils.

Le lendemain, et après avoir appris que la 1re armée française, disposée à sa droite, s’était repliée, le général de Castelnau, de manière à rétablir la situation, envoya ses troupes dans une vaste offensive qu’appuyèrent les 60 canons de 75 qu’il avait fait installer, pendant la nuit, sur les hauteurs de Borville. L’ennemi montrant rapidement des signes de fléchissement, de Castelnau donna alors, dès 15h, l’ordre suivant : «En avant, partout, à fond !». Face à l’attaque française, les hommes du prince Rupprecht furent forcés de battre en retraite. Ce fut là une grande victoire pour de Castelnau et la porte de la Trouée de Charmes se retrouva définitivement fermée.

La bataille du Grand Couronné

La bataille de la Trouée de Charmes s’étant achevée le 27 août avec l’évacuation par les Bavarois de Gerbéviller, de Castelnau voulut poursuivre plus avant ses conquêtes, mais l’État-Major amputa encore sensiblement son armée pour renforcer les armées de l’ouest.

Le 4 septembre, le prince Rupprecht, souhaitant prendre sa revanche, lança sur Nancy quatre corps d’armée appuyés par 700 canons lourds. Dès lors, un déluge de feu et de fer s’abattit pendant plusieurs jours sur la forêt de Champenoux, le mont Amance et Sainte-Geneviève. Mais les Français tinrent bon. Mieux, ils contre-attaquèrent le 6 septembre en plusieurs endroits.

Devant l’empereur Guillaume II venu assister au spectacle, les Allemands lancèrent sans cesse de nouvelles vagues d’assaut sur le mont Amance, clef de Nancy, mais ils ne parvinrent toujours pas à passer, à cause notamment des fortifications et autres tranchées que le général de Castelnau avait fait réaliser. Au bout de plusieurs jours de combats acharnés, l’armée allemande se vit forcée de battre en retraite (le 12 septembre), laissant nos troupes occuper des lieux tels que Lunéville ou Pont-à-Mousson.

Ce fut encore une belle victoire pour notre général qui sauva Nancy et ruina le plan de Schlieffen. Toutefois, sa victoire fut une nouvelle fois éclipsée par la mort d’un autre de ses fils, Gérald, tué à la bataille de la Marne le 7 septembre 1914.

Nous terminerons cet article par une citation que l’on doit à Bernard Combes de Patris (tirée de son ouvrage “En Rouergue”, première série) : «Le grand Couronné de Nancy : N’est-ce pas sous ce nom, décerné par la reconnaissance populaire au général de Castelnau, que restera connue dans l’histoire la figure de ce soldat, une des plus nobles et des plus belles que la guerre ait mises en relief, toute parée de vertus militaires, de grandeur et de gloire ?».

(À suivre...)

Pascal CAZOTTES

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