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Agriculture et congé maternité. Entre progrès législatifs et défis quotidiens

Actualité. Alors que le congé maternité voit le jour en France en 1909, les agricultrices en sont privées jusqu’en 1976, année où il fait timidement son entrée. Malgré de nombreuses avancées, 40% des agricultrices y renoncent. 

Agriculture et congé maternité. Entre progrès législatifs et défis quotidiens
Photographie C.S.-M. - C.S.-M

Agriculture et congé maternité

«Le service de remplacement, la prise en charge de la MSA… Le principe est bien, l’appliquer c’est autre chose» explique Charlotte, éleveuse ovin sur le bassin Espalionnais. Une première grossesse en 2021, la seconde en 2023 et le même problème : trouver son ou sa remplaçante.

De la théorie à l’étable

Pour les cheffes d'exploitation, le congé maternité se traduit par une allocation de remplacement. Au moins 30 jours avant la date du départ en congé, l'agricultrice doit faire sa demande de remplacement auprès de la MSA et du Service de remplacement de son département. Soupape de sécurité, ce dispositif propose dans chaque département des remplaçants en cas d’absence (accidents, maladies, vacances ou congés parentaux). Sur le papier cela semble simple et pourtant la grossesse reste pour beaucoup d’agricultrices un casse-tête. 

«Ma première grossesse, j’ai vraiment pensé que je n’aurais personne et puis je suis tombée sur un jeune motivé» se souvient Charlotte. Les difficultés ne s'arrêtent pas pour autant : «L’élevage c’est 7 jours sur 7, 365 jours par an. On peut faire bien plus que 7 ou 8 heures par jour. Pour nous remplacer réellement, il faudrait presque deux salariés agricoles afin d’assurer un roulement.»

Bien que toujours en congé, Charlotte n’était jamais très loin des brebis : «La traite n’est pas facile à déléguer. Il y a l’astreinte et le fait que ce soit notre gagne-pain. Quand il fallait donner un coup de main, je prenais la petite dans le porte-bébé ou la poussette et j'y allais. J'imagine que comme tous indépendants, nous avons des congés mat' particuliers...» Et si la MSA prend à sa charge la quasi-totalité des frais de remplacement, les agricultrices ont un reste à charge plus ou moins élevé en fonction du nombre de jours, des jours fériés et des week-ends.

Quand l'administratif s'en mêle

En 2022, en parallèle de la reprise de l'élevage bovin de ses parents à Laguiole, Carole entame les démarches pour son congé mat'. Le service de remplacement du département ne trouvant personne pour se substituer à l’agricultrice, son conjoint prend la relève. «À temps partiel, il est passé à temps plein. La MSA a dit que c’était possible, alors on a fait les démarches pour.»

À la naissance de sa fille, Carole ne s’inquiète pas de l'absence de retour : «Je me suis dit qu’il y avait un délai. Le 3e mois, on me répond que ce n’était pas possible de faire appel à un salarié déjà sur l’exploitation.» Pour la jeune maman c’est la douche froide : «Vous vous asseyez sur quatre mois de salaire pour une embrouille administrative.» À deux semaines de la fin de son congé, la situation se débloque : «Après trois mois à batailler c’était bon. J’avais quelqu’un pour me remplacer, il y avait du monde sur l’exploitation et on a pu avancer l’argent avant de recevoir les indemnités. J’ai pu faire un dossier de 40 pages pour avoir gain de cause mais beaucoup auraient abandonné.»

Des embauches difficiles

L'année dernière, une soixantaine d'agricultrices aveyronnaises ont déclaré leur congé mat'. Pour assurer la relève, le Service de remplacement de l’Aveyron compte sur une quinzaine de salariés en CDI et plus de 200 vacataires, insuffisants pour combler tous les besoins : «Il y a des agricultrices qui reprennent quinze jours après l'accouchement parce qu’elles n’ont personne pour les remplacer. Quand on se casse une jambe c’est une urgence, quand on va accoucher aussi.» Si Carole insiste sur ce point, c'est que l'Aveyronnaise a donné naissance un mois avant la date prévue.

Pour Charlotte, dont les deux grossesses ont été déclenchées, le constat final est le même : «J’avais la date de l’accouchement alors on a demandé pour le congé paternité. Ils n’avaient personne cette semaine-là. Je ne comprends pas que ces demandes ne soient pas traitées à la même échelle que les accidents. C’est peut-être par manque de moyens mais ça ne le justifie pas. Maladies, accidents, congés parentaux... il y a un énorme besoin mais pas assez de personnes pour nous remplacer.»

Un enjeu national que confirme le Service de remplacement de l’Aveyron. «Les congés maternités sont des remplacements longs. Nous faisons appel à nos vacataires, mais nous savons que certains ne resteront pas jusqu’au bout et on ne peut pas se permettre de mettre un CDI car ils sont souvent appelés pour des remplacements ponctuels», explique l'association.

Une difficulté à recruter que déplore Sabine Delbosc-Naudan, agricultrice à Lassouts, présidente déléguée de la MSA Midi-Pyrénées Nord pour l’Aveyron et présidente de la commission d'action mutualiste au niveau national : «Les dernières réformes ont été des avancées sociales majeures mais le principal frein reste de trouver des salariés agricoles pour assurer les remplacements.» Face à cette problématique, depuis 2019, si les cheffes d'exploitations ne trouvent pas de remplaçants, elles peuvent bénéficier d’indemnités journalières forfaitaires. En 2023, 7 assurées aveyronnaises ont bénéficié de ces indemnités.

A.C

Et les papas ?

Instauré en 2002 afin de développer les premiers liens entre le père et son enfant, le congé paternité a fait l’objet de plusieurs réformes. «S'il existait la possibilité de prendre 11 jours avant la réforme de 2021, beaucoup ne voyaient pas l’intérêt face aux démarches administratives et les inquiétudes de trouver quelqu’un pour les remplacer. Les choses ont changé : 25 jours ce n’est pas négligeable», explique le service de remplacement de l’Aveyron. 

À cet allongement du congé paternité s’ajoute un changement de mentalité : «Les nouvelles générations souhaitent davantage prendre du temps pour leur famille et pour eux.» En 2021, la MSA Midi-Pyrénées Nord comptait pour le département 54 bénéficiaires du congé paternité, contre 80 en 2023. «Pour les pères aussi il y a eu de réelles avancées. Il y a quelques années, le papa devait prendre 7 jours dès la naissance de l'enfant. S’il ne pouvait pas faute d'avoir trouvé un remplaçant, il perdait son congé pater. Ce n'était pas adapté à notre réalité. Aujourd'hui cela a changé mais comme pour les mères, il y a des délais à respecter impérativement. On ne peut pas y déroger.»

Alors que 85% des pères cadres y ont recours, les agriculteurs sont 44%. Un chiffre néanmoins à la hausse puisque en 2013, ils n’étaient que 28%.

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