À table !
Sur près de 55 votants s'étant exprimés sur l'appellation de ce plat composé de pommes de terres couvertes de tome fraîche fondue, 65% disent truffade, contre 21% picausel et 13% retortillat.
Dans la mesure où la cuisine traditionnelle est mouvante dans ses appellations, et que parfois certaines recettes changent d'un village à un autre, quand ce n'est pas d'une maison à l'autre, nous dirons que tout le monde à un peu raison.
Si nous avons posé cette question, c'est que dans de nombreuses familles, principalement dans la partie nord-nord-est du département, le picausel désigne ce qui ressemble à une truffade. À quelques nuances près dans la réalisation, mais nous y reviendrons.
Un nom, deux plats
Auparavant, penchons-nous sur le fait que le même terme peut désigner deux plats totalement différents. Car c'est le cas du picausel (ou picaucel, ou encore picaussel, que l'on prononce “picaoussel”).
Que ce soit dans les livres de cuisine ou sur de nombreux sites internet ou blogs, le picaucel (souvent écrit avec un “c”) est presque systématiquement apparenté au pounti. Il s'agit d'un plat un peu fourre-tout, comme le farçou, que l'on fait avec ce que l'on a sous la main. Certains y mettent des restes de pain plutôt que de la farine...
Le terme de “picaucel” pour désigner ce type de plat, façon pounti, semble venir de l'Auvergne voisine, et tout comme celui de truffade, il est presque devenu générique. Dans les recettes de Madame Bras mère, à Laguiole, c'est bien le mot truffade qui est employé pour désigner les pommes de terre couvertes de tome.
Mais dès que l'on passe Saint-Côme, en allant vers Saint-Geniez ou Prades, on parle bien de picaousel pour un plat de pommes de terre et de tome. Comme chez les parents de Régine Caralp, ancienne patronne du Méjane, les Auguy, qui étaient restaurateurs à Saint-Chély, le désignaient ainsi. Mais ils n'en faisaient que sur demande, pour des raisons de préparation : c'est un plat “de dernière minute”.
Plusieurs nuances de truffade
Le fait que le même plat (en apparence) porte deux ou trois noms, même si l'un deux s'est un peu perdu, indique des nuances dans la façon de le préparer. Dans le picausel, on saute les patates à la poêle avec de l'ail, on les couvre de tome et on retourne l'ensemble comme une omelette, pour dorer et on ajoute un peu de persil. Alors que dans certaines recettes de truffade, les pommes de terres sont d'abord cuites “en robe de chambre” (voire à l’eau), et on y ajoute des oignons, comme c'est le cas chez Bras.
Enfin, le fait d'écraser ou de mélanger pommes de terre et fromage ne se retrouve en général pas dans le picausel : c'est plutôt dans certaines recettes de truffade, ou dans le fameux “retortillat”, terme remis au goût du jour par Jeune Montagne, et également utilisé par les Bastide à Rodez et à Nasbinals.
Bref, en guise de conclusion, disons que les nuances de recettes se retrouvent parfois dans les différences de noms de plats, et qu'avec le temps et le commerce, les frontières entre les cuisines familiales ou villageoises, déjà mouvantes à l'origine, ont tendance à se flouter.
Et quel que soit le nom, n'oubliez pas que «c'est meilleur quand c'est bon», pour paraphraser la revue du même nom !
XP
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