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Les correspondances de Jean-Paul Pelras. Lettre à propos des “réseaux sociaux”

Actualité. Les correspondances de Jean-Paul Pelras

Vendredi 27 octobre, trois personnes appelaient à une «grève du tweet». Il s’agit de Tristan Mendès France, essayiste, réalisateur, politologue, secrétaire général de l’institut portant le nom de son illustre grand-père et, accessoirement, ayant milité pendant sa jeunesse auprès de l’association d’extrême gauche Ras l’front, de Rudy Reichstadt, politologue, écrivain, journaliste spécialiste des questions portant sur les théories complotistes et de Julien Pain, journaliste à France info, qui vient d’ailleurs, alors que je n’avais jamais évoqué son nom, de me bloquer sur Twitter. C’est dire si la peur du complot l’emporte sur le complot lui-même. Ou comment le crime migre plus vite que son ombre dans les nuances de l’anticipation, de la prévoyance et de la précaution : rumeurs prémonitoires, redoutables gesticulations.

Mais laissons de côté ces petites considérations pour nous consacrer aux réseaux sociaux. Lesquels, victimes de leur succès, sont donc désormais accusés d’en faire un peu trop. Tout juste un an après le rachat par Elon Musk de Twitter (rebaptisé X), les trois “experts”, via une tribune parue dans Le Monde, dénoncent le déclin de la modération concernant la suppression ou la restriction de contenus pouvant être considérés comme illégaux. Ils dénoncent un «flot de désinformation exceptionnel» en faisant notamment référence au conflit israélo-palestinien actuel.

Ceci étant dit, posons clairement la question : Faut-il en finir avec les réseaux sociaux ? Autrement dit ne plus poster aucun message et ne plus consulter ceux qui tombent comme à gravelotte sur nos écrans, 24h sur 24 et 365 jours par an.

Pour certains, dont l’addiction à ces «lieux d’échanges communautaires» est tellement compulsive qu’elle peut être assimilée à une respiration, un tel sevrage serait tout simplement impossible, tant ce qui rythme leur existence est suspendu au souffle de ce petit écran tactile, «petite poussette» selon le philosophe Michel Serre et tribune universelle selon Umberto Eco, qui disait de ces «légions d’imbéciles» qu’elles avaient désormais le même droit à la parole qu’un Prix Nobel. Preuve s’il en fallait une de cette évidence ; même ceux qui dénoncent Twitter le font en utilisant Twitter.

Passons à présent à la thèse du complot, qui alimente celle de ceux qui voient des anti-complotistes partout dans une macédoine de supputations où l’on ne sait plus qui du baragouineur et du fact-checker (vérificateur des faits) est en train d’embrouiller l’autre.

Nous sommes d’ailleurs de plus en plus nombreux désormais à préférer la partie de pétanque et le jardinage à la consultation de nos téléphones ou autres computers, tant la bataille entre les autoproclamés tenants de la vérité et les désignés apôtres du mensonge vient polluer notre discernement. Mais aussi altérer l’idée que nous nous faisions d’une information fiable et étayée. Qui dans ce pot-pourri d’affirmations contradictoires est désormais habilité pour nous renseigner ? Qui du journaliste redresseur de torts ou de l’internaute plus ou moins bien avisé sait où se trouve la vérité, quand il croit la détenir tout en restant assis derrière un écran ou en la traficotant par médias interposés ?

Car, à bien y regarder, les internautes sont devenus des journalistes. La seule différence étant que les seconds possèdent cette carte de presse qui n’a jamais été attribuée aux premiers. Idem avec les experts de ceci ou de cela, invités sur les plateaux de télévision ou interviewés dans les journaux, qui sont autorisés à donner leurs avis uniquement car ils collectent des millions de vues sur les réseaux sociaux. Citons, à titre d’exemple, quelques bataillons de personnalités soi-disant qualifiées pour parler d’agriculture alors qu’elles ne savent établir aucune différence entre une pelle et un râteau. Sans oublier la sylviculture et ceux qui, sur France Télévision dans “Aux arbres citoyens”, n’ont pas su reconnaître le chêne du châtaigner.

Etrange monde où le complot a bon dos dès qu’il s’agit d’évacuer certaines questions, dès que la vérité est susceptible de nous décevoir, dès que l’information ne peut plus se contenter de la diversion.

Les correspondances de Jean-Paul PELRAS

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