À l’heure où, dans bon nombre de petites communes, les rideaux de devantures s’abaissent pour céder du terrain au lierre, à la rouille et au silence d’une société qui privilégie le chemin des supermarchés de sous-préfecture, il est des commerçants qui ont su résister en empruntant de surcroît à l’altruisme et à la convivialité.
Sans aller jusqu’à dire que la philanthropie les caractérise, il faut reconnaître un certain mérite à ces ambulants, samaritains du bitume et de la draille qui permettent à bon nombre de ruraux de demeurer dans leurs villages.
Réunis sur la place de la fontaine ou devant la petite cabine téléphonique, équipés d’un filet à provision ou d’un panier en osier, les autochtones qui en profitent pour évoquer l’orage de la veille, les écarts amoureux de la mercière et, par ricochet, le divorce du puisatier, attendent ainsi le passage du boulanger. Celui qui monte même quand il neige et arrivera aujourd’hui avec un peu de retard, car ils font des travaux sur la route d’en-bas. Avec un peu de chance, il lui restera quelques pains au chocolat pour le goûter des petits, une fouace et ce journal qui aura fait le tour du quartier avant l’angélus du soir. Oui, avec un peu de chance on le laissera encore klaxonner longtemps.
Même si ailleurs certaines municipalités ont décrété que ce tapage-là nuisait à la sérénité des lieux. Avec le chant du coq, le bruit des bennes à vendanger, la poussière des moissonneuses batteuses, la mouche sur le mulet, la vache qui fait son veau, le platane assassin, l’odeur du mouton.
Et l’ombre portée de cette bêtise qui aseptise nos traditions.
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