Association Aveyronnaise de Trufficulture
«Sa première truffe, on s’en souvient !» Francis Caulet, de Saint-Rome-de-Tarn, a planté ses premiers chênes truffiers en 2008, et c’est un passionné, comme les autres membres de la jeune association aveyronnaise de trufficulture. Parmi eux, des retraités, fonctionnaires, agriculteurs, chefs d’entreprise…
Certes, les trufficulteurs aveyronnais ont déjà un syndicat, basé à Comprégnac, sur les bords du Tarn, où l’on trouve également une maison de la truffe, mais c’est autour de quelques amateurs éclairés du Nord-Aveyron que la nouvelle association s’est créée : ils sont de Coubisou, comme Arnaud Cueysse, de Castelnau, de Sébrazac, de Concourès, de Palmas, de Salles-la-Source, mais aussi de Villeneuve d’Aveyron, dans l'Ouest du département, ou de Verrières, Saint-Georges de Luzençon, Fondamente, Nant ou Saint-Affrique dans le Sud.
«La truffe, c'est très compliqué»
Certains d’entre eux n’ont pas encore “cavé”* le champignon objet de leur passion, car c'est avant tout un travail de patience, mais dès l'instant où l'on plante des chênes mycorhizés «on met le doigt dans l'engrenage», explique Nicole Castanier. Et de fait, c'est une passion.
Un arbre mycorhizé, c'est une jeune pousse sur les racines de laquelle on a en quelque sorte fixé le champignon, le tuber, en le faisant pousser dans un milieu truffé, c'est le cas de le dire, de spores. L'opération est effectuée de préférence par un pépiniériste, et doit répondre à un cahier des charges précis. Les arbres truffiers les plus répandus sont les chênes : le vert, le blanc (ou pubescent), parfois le chêne kermès. Mais le frêne et le charme sont également mycorhizables, de même que le noisetier : «Mais plutôt le noisetier de Byzance», précise Francis.
L'arbre est planté en général à l'âge d'un an. Selon les variétés, la truffe s'y développe plus ou moins vite : «Le chêne vert entre en production plus vite, environ cinq ans, et puis ça dépend du terrain, de l'exposition, et un arbre peut s'arrêter de produire, puis reprendre... À chacun sa recette».
Côté terrain, la truffe exige un sol calcaire, et de la chaleur, mais pas trop, comme en 2022, une année qui a été catastrophique. Mais Francis insiste sur le fait que la trufficulture n'est pas une science exacte : «La production est aléatoire, car la reproduction de la truffe c'est très, très compliqué : j'ai un arbre qui m'a fait une truffe quand d'autres en ont donné cinquante...»
La “tuber melanosporum”, et les autres
À l'état sauvage, on trouve la truffe dans des terrains calcaires à l'abandon. C'est comme ça qu'Arnaud Cueysse a rencontré le champignon noir : son grand-père en cavait dans des truffières sauvages autour de Coubisou, des anciennes vignes dont il a racheté quelques arpents. Il y a planté plusieurs dizaines de chênes truffiers en 2019, et attend patiemment ses premières “melano”, la tuber melanosporum, truffe d'hiver qui se récolte de novembre à mars. Dite aussi truffe noire du Périgord, ou de Provence, elle représente 90% de la production de la région et est la plus appréciée des truffes produites en France : on la trouve principalmeent en Provence et dans le Lot.
Mais d'autres truffes sont également cultivées parmi les 6 espèces européennes dites gastronomiques, aux saveurs différentes, plus ou moins musquées, souffrées ou poivrées : «La borchii est une petite truffe sympathique qui ressemble un peu à la truffe blanche du Piémont, un peu moins parfumée, on la cave au printemps ; la tuber aestivum est une truffe qui sent le champignon, moins parfumée que la mélano, mais qui a l'avantage d'arriver l'été ; la tuber uncinatum, ou de Bourgogne, lui ressemble un peu, mais on la cave à l'automne»...
L'arbre et la truffe, une symbiose
Autour des racines, le réseau de mycélium du champignon constitue avec son arbre-hôte des mycorhizes, c'est là que la truffe va se développer, sur plusieurs mois, comme un champignon à gestation lente. Le mycélium défend en quelque sorte son territoire : il va combattre les autres plantes consommatrices d'humidité et échange avec l'arbre qui le nourrit, augmentant sa surface racinaire et lui servant de filtre. Quand au champignon, il profite des sucres et de la photosynthèse de l'arbre. Quand l'arbre entre en production, une zone appelée “brûlé” se forme sous l'arbre ou au-dessus des racines mycorhizées : les plantes gênantes en sont éliminées, et la terre apparaît. C'est le territoire de la truffe.
Le chien, le cochon ou la mouche ?
Pour caver la rabasse, nom provençal de la truffe, il existe plusieurs méthodes. «Essentiellement, on fait avec le chien, explique Francis, c'est assez facile de le dresser». Et le cochon ? «En Aveyron, on ne s'en sert pas, surtout que le cochon, il cherche pour manger, alors il faut être réactif : quand il commence à gratter avec le groin, il faut lui donner du maïs par exemple, pour l'éloigner». Autre méthode, celle de la mouche : «C'est une mouche assez fine qui pond ses œufs à l'aplomb de la truffe : les larves descendront s'y fixer. On balaye le sol avec un rameau pour faire s'envoler les mouches qui sont difficile à distinguer sur le sol, elles s'envolent et on surveille où elles retournent se poser». Mais la méthode du chien semble être la plus fiable.
Les truffes se trouvent en moyenne à 10-15 cm de profondeur, mais ça peut aller jusqu'à une trentaine de centimètre. Les trufficulteurs travaillent un peu le sol pour qu'elles ne soient pas trop près de la surface, à cause du gel.
Une association ouverte à tous
Les trufficulteurs aveyronais associés sont majoritairement des amateurs, qui sont venus à la truffe par goût, par hasard, ou dans le cadre d'une activité agricole.
Raymond Nayrolles, à Majorac, commune de Sébrazac, qui avait envie de planter quelques truffiers, autant pour la gastronomie que par curiosité, a rencontré un trufficulteur aux Jardifolies du Cayrol, en a parlé avec lui et a franchi le pas. Comme Arnaud, il attend son premier cavage.
Mais comme le rappelle Francis Caulet, «si on plante sans être formé, ça pardonne pas !» D'où l'intérêt de se grouper : la rencontre, l'échange, l'entraide, la mutualisation d'achats sont au programme de l'association. Un programme qualifié de “journées de vulgarisation” est accessible à tous les candidats trufficulteurs ou déjà en activité : financé par l'Europe et la Région, ces sortes de séminaires sont dispensés par un technicien («Une sommité dans le monde de la truffe» précise Francis) de la station trufficole Cahors-Lycée agricole du Montat.
L'association espère bien pouvoir organiser des journées de ce type localement, en liaison avec le monde agricole : «Ça peut permettre à des agriculteurs de se diversifier», explique Arnaud, évoquant également l'aspect environnemental, la lutte contre les broussailles et la déprise agricole : «Quand le milieu se ferme trop, il n'y a plus de truffe...»
Et au-delà de l'aspect purement technique, l'association souhaite valoriser la truffe en gastronomie, car c'est par cet aspect du champignon que la plupart des trufficulteurs sont tombés dedans, son goût, que réhausse indéniablement sa rareté. Tout en cherchant à dompter son côté capricieux, les trufficulteurs sont avides d'échanger avec des chercheurs, des gastronomes, afin de partager leur passion, apprendre à déguster la truffe à la bonne saison, à ne pas gâcher le produit en cuisine... Une lettre mensuelle est d’ailleurs déjà éditée, évoquant divers aspects du monde trufficole, conseils techniques...
Un évènement “truffiviticulturel” à venir
Les trufficulteurs associés, afin de mettre en avant l'aspect bon vivant, indissociable de leur passion, véhiculé par le “diamant noir”, préparent un évènement festif pour l'automne. «Ce sera truffiviticulturel», rigole Arnaud Cueysse, laissant supposer, sans trop en dire, que la truffe y serait associée à la vigne, et à la culture : à suivre !
Le mot de la fin pourrait êre celui de Francis : «La truffe est tellement mystérieuse et il y a tant à apprendre sur elle...»
Si vous aussi vous souhaitez explorer les méandres de ce mysérieux champignon, n'hésitez pas, adhérez à l'AAT.
XP
* Caver, de l’italien “cavare”, creuser, qui désigne l’action d’extraire la truffe.
Contact : assotrufficulture12@gmail.com ou 06.47.76.43.64.
Et bientôt une page Facebook...
La truffe : production, prix...
La tuber melanosporum, également appelée Truffe du Périgord, ou Truffe noire, est la plus appréciée des truffes cultivées en France. Elle est récoltée en hiver, après plusieurs mois de développement. Son poids varie entre 5 et 500g ou plus, mais très exceptionnellement. Le poids moyen se situe dans une fourchette comprise entre 20 et 50g. Parfois, quand les plantations vieillissent, le poids à tendance à diminuer et les truffes de 10/15g sont les plus nombreuses.
Pour entrer dans la catégorie Extra, une truffe fraîche doite être brossée, sans cassure et d'un calibre supérieur ou égal à 20g ; la catégorie I concerne des truffes de 10g et plus pouvant présenter de légers défauts, et la catégorie II regroupe les autres truffes de 5g ou plus. Le prix moyen de la tuber melanosporum oscille entre 400 et 500 euros le kilo, mais la canicule de 2022, défavorable à la truffe, lui a fait frôler les 1.000 euros.
C'est le marché de Carpentras, dans le Vaucluse, première région productrice de Truffe noire de France, qui sert de référence pour les prix. Quant au marché de Richerenches, toujours dans le Vaucluse, il est le plus important d'Europe pour les quantités de truffes vendues.
La production moyenne française de tuber melanosporum est de 50 tonnes par an. Ce chiffre varie en fonction des aléas climatiques. La France compte environ 20.000 trufficulteurs répartis dans une quarantaine de départements. Ils entretiennent plus de 35.000 hectares de truffières. 70% de la production est réalisée dans les trois principaux départements du Sud-est (Drôme, Vaucluse et Alpes de Haute-Provence).
Au début du XXe siècle, la production française dépassait 1.000 tonnes chaque année et plus de la moitié des départements étaient producteurs.
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