Pêche et société
Jean-Baptiste Jusot, ancien journaliste radio, est avocat lobbyiste à Lyon, et originaire de Laguiole par sa famille maternelle (sa grand-mère, Georgette-Marie Pons, est née à Laguiole entre les deux guerres). Nous l’avons croisé à Saint-Côme au détour du GR65, un soir de titre européen de rugby remporté par La Rochelle, et il nous a parlé d’un sujet sur lequel il travaille en tant qu’avocat et qui lui tient à cœur : le “no kill”, pratique de pêche consistant à relâcher les prises, serait dans le collimateur d’associations écologistes, animalistes. Nous lui avons demandé de nous en dire un peu plus.
Bulletin d’Espalion-. Tout d’abord, pouvez-vous nous dire ce qu’est un avocat lobbyiste ?
Jean-Baptiste Jusot : Plutôt que de parler de lobbying, utilisons l’acception française qui est “conseil en affaire publique”. En effet depuis 2011, les avocats sont habilités à représenter les intérêts de leurs clients auprès des décideurs publics. Cette activité officielle se fait en toute transparence avec un respect scrupuleux de la déontologie. Je suis avocat inscrit au barreau de Lyon depuis le 1er mars 2021 et mes sujets de prédilection sont la défense de la ruralité et des territoires. Pour comprendre, l’avocat lobbyiste est au cœur des relations entre ceux qui font la loi (les décideurs politiques), ceux qui la subissent (les entrepreneurs, les associations, les citoyens) et ceux qui l’expliquent (les journalistes, les médias).
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B.E.-. Vous nous avez parlé d’un nouveau combat mené par une ou plusieurs associations contre la pratique du “no kill” par les pêcheurs, qu’en est-il ?
J-B.J. : Depuis quelques années, la pratique de la pêche en France évolue… Oubliez l’image du pêcheur grincheux sur le bord de son étang qui somnole sur son transat... Désormais, la pêche se pratique de plus en plus de manière sportive et respectueuse des écosystèmes. Les pêcheurs, qui ont pris conscience de la fragilité du milieu, pratiquent en grand nombre le “no kill” : prélever des poissons avant de les relâcher. Tout l’intérêt de cette pratique consiste à approcher, à observer, à capturer puis à relâcher après une photo ou un examen de sa prise. Ainsi, les pêcheurs deviennent de véritables sentinelles, qui veillent en permanence sur nos rivières.
Malgré cette évolution extrêmement responsable et respectueuse de l’environnement, des militant antispécistes et animalistes, que je considère comme des “Khmers verts”, se sont mis en tête d’interdire le “no kill” au prétexte qu’il ferait souffrir les poissons avec cruauté et barbarie. Peut-être préfèrent-ils que les pêcheurs les mangent (rires…) ? Plus sérieusement, les pêcheurs utilisent des hameçons sans ardillons, qui ne blessent pas les poissons et qui permettent de les relâcher sans problème. Si on interdit le “no kill” pour les poissons, il faudra un jour interdire le piercing et les boucles d’oreilles pour les humains…
B.E.-. Qu’impliquerait une éventuelle interdiction du no kill ?
J-B.J. : Comme vous l’avez compris, le “no kill” a attiré de nouveaux pratiquants, plus jeunes, plus sensibles à l’environnement et plus actifs. Ainsi, dans de nombreuses rivières de France, en Lozère, dans l’Aubrac ou dans l’Allier, de jeunes pêcheurs sillonnent les abords pour s’adonner à leur passion. Leurs déambulations leur permettent d’observer toutes les variations qui touchent le milieu : pollutions, maladies sur les animaux, sécheresse… Les pêcheurs sont des vigies passionnées qui veillent sur nos cours d’eau. Si demain ils ne peuvent plus pratiquer le “no kill”, nous perdront ces sentinelles précieuses et bénévoles qui veillent sur les milieux aquatiques.
B.E.-. L’interdiction de la pêche est-il l’objectif véritable, avoué ou non, de ce type de démarche ?
J-B.J. : Les associations animalistes ou antispécistes s’attaquent à la pratique du “no kill” essentiellement en milieu urbain. En effet, des villes comme Paris ont déjà voté des vœux visant à interdire cette pratique. Les raisons invoquées sont, d’une part les souffrances animales et d’autres part, le spectacle dégradant qui serait offert aux riverains. Ne nous trompons pas et ne soyons pas dupes, ces associations ont pour but ultime d’interdire toutes actions de l’Homme envers les animaux. Ces pseudo-intellectuels urbains voudraient réduire à néant les relations unissant l’Homme aux animaux depuis des millénaires. Sur l’Aubrac, on sait combien l’Homme et la nature sont liés et on sait combien l’Homme a une place particulière dans cette nature. Il n’est pas un animal parmi tant d’autres. Même s’il faut reconnaître que, dans les années 60 et 70, nous avons fait peu cas de la protection de la nature, aujourd’hui les comportements changent et c’est tant mieux. Avec la pêche, la chasse ou l’élevage, des jeunes reviennent au contact de la nature et il faut s’en réjouir plutôt que de les pointer du doigt comme des massacreurs, des tortionnaires et des irresponsables.
B.E.-. Plus largement, quelle tendance sociétale illustre ce type d’action ?
J-B.J. : Dans son dernier livre “L’extinction de l’homme : le projet fou des antispécistes”, le journaliste Paul Sugy nous met en garde contre ces défenseurs auto-proclamés de la cause animale. En effet, derrière la vitrine sympathique des mouvements végans, se cache un projet dangereux où l’Homme est devenu une espèce à éliminer car elle est un danger pour le vivant. Ces militants jugent par exemple que la consommation de viande ou les pratiques rurales comme la pêche ou la chasse sont barbares. Pour eux, c’est une discrimination envers les animaux qu’ils comparent à du racisme. Pour ma part, je considère leur point de vue comme celui de privilégiés urbains complètement déconnectés de la nature qui, par idéologie, remettent en cause la dignité supérieure de la vie humaine. Pour reprendre les mots du journaliste Paul Sugy, «l’antispécisme est moins une défense de l’animal qu’un réquisitoire contre l’Homme».
Pour oublier ces tristes sires, je conseille à vos lecteurs de partir pêcher dans la Boralde de Saint-Chély-d’Aubrac, sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle.
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Propos recueillis par Xavier Palous
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