Il est 8 heures du matin. Rien ne presse. D’abord, il y a cette lumière un peu plus aiguisée que d’habitude. Celle qui traverse les persiennes et fait sourdre la vie de la banalité des choses. Dans la grande pièce une odeur de café, le pas feutré des espadrilles glisse sur les tomettes usées du salon.
Sur la terrasse un chat est assis près de la petite table en fer forgé. De la venelle, qui grimpe au-dessus du lavoir, nous parvient la conversation de deux jardiniers. Le cafetier jette un saut d’eau sur la rue. L’odeur du goudron mouillé me rappelle celle des grandes métropoles.
Deux chiens qui me sont familiers se disputent quelques restes dans une vieille casserole. Un tracteur grimpe vers les garrigues.
Dans le contre-jour de ce matin-là, comme dans la chanson de Lama, on voit danser, dans sa chemise, les seins nus d’une fille qui pousse une porte où se trouve un piano droit. Du linge étendu dans un pré, le froissement furtif d’un pédalier, une odeur d’aubergines à la tomate, un carillon de verdure qui court dans le patio.
C’est le Philtre inconnu de Carco, le grand bal de Prévert, le Spectacle rassurant d’Hugo. Ce sont ces cœurs que le Grand Jacques repeint au vin blanc. C’est Giono qui nous dit que, finalement, le monde est là où nous passons notre temps.
C’est mon père qui revient de la vigne et ma mère qui essore, sur le pas de sa porte, la salade dans un torchon. C’est cette fourmi qui traverse le petit ruisseau sur une brindille dont l’hiver n’a pas voulu.
C’est cette vie un peu perdue où je retourne parfois pour me dire qu’au printemps tout existe. Au moins, une première fois.
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