Evoquons aujourd’hui le déjeuner (qui n’avait rien de petit) servi à l’heure de la traite dans les fermes d’autrefois.
Commençons par la grande table, par son tiroir dont l’odeur de pain de seigle avait imprégné le bois et par cette quantité de nourriture qu’elle pouvait supporter entre le canon de rouge tiré au tonneau dans des bouteilles étoilées et le carré de bleu dont la croûte finissait sur l’assiette retournée. Et le fricandeau, et le jambon avec beaucoup de gras, et le saucisson un peu rance, et la soupe de pain trempé, et l’atmosphère recueillie, et le claquement du couteau qu’on referme.
Un peu de bouse sur le plancher, deux mots sur la vache qui va bientôt vêler. Arrive ensuite la corbeille de fruits, la pomme fripée que l’on voit revenir depuis une semaine et la poire qu’il faut partager. Enfin, vient le café toujours brûlant servi à la casserole, la boîte à sucre (second claquement de la journée) et la crème qui, une fois versée, sonne l’heure du tabac à rouler.
Ensuite, ils se lèvent un à un, lentement, dans le bruit des chaises qui bousculent le silence. Des pas dans l’escalier qui descend vers l’étable, un tracteur qui démarre, des piquets que l’on plante de l’autre côté du ruisseau, des bûches que l’on partage sous le préau, trois petits degrés courent au-dessous de zéro.
Et la vache qui lèche déjà son veau, quelque part, là-bas, entre l’abreuvoir et le tombereau.
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