Reportage
«La meute arrive», sourit Mathurin Chauffour, l’un des trois instructeurs de l’école de quille. Rapidement, les garçons se saisissent des sacs avec le matériel pour installer les terrains. Aussitôt, une joyeuse cohue envahit le bâtiment. Les rires et les chamailleries s’échouent sur les parois ondulées de ce bâtiment couvert. Les Saints de glace sont passés, mais en ce mardi 16 mai, la pluie, le vent et le froid contraignent les quilleurs à rester à l’abri. Les températures flirtent avec le 0 degré.
Les initiations au primaire : fournisseur de jeunes quilleurs
Changées, les filles arrivent sur le terrain d’entraînement. Elles n’ont pas le temps de s’installer qu’un instructeur les interpellent : «Allez, on va commencer l’échauffement. Andréa, on t’écoute». Les bras virevoltent, les chevilles gigotent et les genoux remuent. Cette année, 19 enfants suivent les cours encadrés par Mathurin Chauffour, Justine et Alexandre Conquet. Ils se retrouvent tous les mardis soir de mars à fin juin. Parmi eux, nombreux sont les descendants d’une dynastie de quilleurs ou ayant un membre de leur famille pratiquant ce sport. «Moi, j’ai mon grand-père, mon père et mon frère qui jouent aux quilles», informe fièrement Myriam. Pourtant, les enfants ont un autre point en commun. Outre l’amour de ce jeu, la majorité d’entre eux se sont inscrits après avoir fait une initiation avec l’école. Comme Baptiste, qui avait déjà joué quand il était plus jeune, mais n’avait pas souhaité continuer. C’est grâce «au primaire qui a offert une session que je suis revenu aux quilles», précise-t-il. Une recette gagnante. «Notre effectif est en très forte progression, l’année dernière il y avait 14 enfants et là 19», précise Alexandre.
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Une mélodie de percussion se met en place dans la salle. Les quilles volent et tombent. Armés de leurs quillous et de leurs boules, les jeunes sportifs font quelques lancers pour s’échauffer. Comme des professionnels, chacun commente la performance de son camarade. «Là, il a fait un bon quillou, c’est bien», remarque Léo-Paul, ou encore, «Depuis le début, il a fait pas mal de bons coups», analyse Paul. Au milieu des entrechoquements, Mathurin hausse la voix. Il énumère toute une série d’exercices. À l’annonce des consignes, les quilleurs obtempèrent. Chacun est conscient de ses faiblesses et de ses points d’amélioration. Pour Lucas c’est le quillou, alors que pour Paul c’est la boule, pour Antonin, c’est la distance qui est difficile à gérer. «Vous allez à six mètres et vous devez faire tomber au moins deux quilles sur quatre seulement avec le quillou», précise le formateur. Ce sport conjugue force et adresse.
Travailler ses exercices pour éviter les “buffes”
Les exercices s’enchaînent. Après une journée assis sur une chaise, les enfants ont du mal à se concentrer. «Il est parfois compliqué de les canaliser», sourit Alexandre. D’ailleurs, certains s’amusent à remplir les chaussures de leurs camarades de sable. Mais ces dérapages sont vite rattrapés par les instructeurs et les parents qui les épaulent. L’ambiance reste conviviale et chaleureuse. Les rires répondent au fracas des quilles. «Le cadre est vraiment bien à Laguiole, on est dans une bulle», confie Justine. Autonomes, les disciples enchaînent les parties. Ils doivent rapidement assimiler les règles, car comme le rappelle Alexandre : «En compétition, ils sont tout seuls, on ne peut les accompagner que la première année». Les élèves évoluent en duo, entre eux ils se donnent de nombreux conseils. Ils se soutiennent et s’encouragent.
Durant toute la séance, les instructeurs prodiguent conseils et explications pour que leurs protégés améliorent leurs gestes et qu’ils évitent de faire des “buffes”, soit des zéros. «Valentin, ne jette pas tant le quillou, essaye plutôt de laisser tomber», précise le formateur, «tiens bien le quillou au niveau du trait noir sinon il ne sera pas en équilibre et tu ne taperas pas loin». «Lilou, je veux que ton poignet ne bouge plus et tu finis avec la main ouverte», précise Justine. La coordination est une des difficultés de ce sport, mais les élèves assimilent rapidement les gestes et leur progression est fulgurante.
Mesurer sa progression chaque semaine
La dernière partie de l’entraînement est consacrée à la compétition où les jeunes sportifs notent leurs résultats. Ils ont à leur disposition une feuille où ils inscrivent leurs performances hebdomadaires, ce qui leur permet de mesurer leurs progrès. Ils la montrent fièrement à leurs instructeurs. «Ce qui me plaît, c’est de les aider à évoluer», précise Mathurin, «j’ai fait l’école de quille quand j’étais jeune. C’était mon grand-père qui s’en occupait, j’ai plein d’astuces à leur transmettre». Alexandre est devenu entraîneur quand ses enfants sont rentrés à l’école. Dans son sillage, il a invité Justine à rejoindre l’équipe. «Ça me plaît de faire l’animation et de leur enseigner ce sport, c’est vraiment chouette. Les petits ont un vrai engouement pour les quilles et ils le rendent bien», résume-t-elle.
Les élèves peuvent mesurer leurs progrès, les vendredis, lors des compétitions appelées “plateau”. Dans le brouhaha amplifié par l’écho du bâtiment, une note ressort, la joie des enfants d’apprendre ce sport.
Aline Amodru-Dervillez
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