Un jour à Espalion
Une autre institution est créée au cours du Second Empire, il s’agit d’une salle d’asile. En février 1853, une circulaire du préfet invite les sous-préfets à développer et concrétiser l’installation de crèches, puis de salles d’asile qui reçoivent les enfants dès l’âge de 2 ans, elles précèdent et annoncent les écoles maternelles que nous connaissons.
Le 30 septembre 1857, une salle d’asile et un nouveau pensionnat sont inaugurés par l’évêque de Rodez chez les religieuses de l’ordre du Saint Sacrement de Mâcon. Ils sont installés dans le même bâtiment construit sur un terrain offert par la municipalité. L’établissement prend dès lors le nom de Pensionnat des Dames du Saint Sacrement. Le curé Baduel ouvre une souscription pour son financement et Casimir Mayran fait un don conséquent. En mars 1870, sur une demande du sénateur Mayran, l’impératrice accorde, au nom du comité central de patronage des salles d’asile, la somme de 500 francs destinée à habiller les enfants pauvres des asiles d’Espalion et de Saint-Côme.
Le pensionnat du Saint Sacrement change probablement de directrice pour la rentrée du 2 novembre 1861, avec la réouverture de la salle d’asile. (Les archives de cet établissement ont été détruites vers 1903). En effet, à cette période, la directrice adresse aux parents des futurs élèves un prospectus qui définit une nouvelle approche de l’enseignement et du règlement du pensionnat. «Après l’étude de la Religion, l’ordre et l’économie domestique étant d’une nécessité incontestable dans toutes les positions sociales». «Des notes quotidiennes, des récompenses hebdomadaires et mensuelles, et autres moyens d’émulation sont employés pour encourager l’application des élèves et faciliter leurs progrès». De plus, tous les trois mois, les parents reçoivent un bulletin qui les informe de la santé, de la conduite et des progrès de leurs enfants. Les matières enseignées sont : instruction religieuse - lecture - écriture - langue française - arithmétique - tenue des livres - histoire sacrée - histoire profane - mythologie - géographie - cosmographie - notions élémentaires de littérature et d’histoire naturelle.
Il faut ajouter également la couture, les reprises, la broderie et autres travaux d’aiguille… On peut recevoir aussi des leçons de musique, de dessin et de peinture, mais à la charge des parents. Il est rappelé que le prix de la pension est de 30 francs par mois, la demi-pension de 15 francs. Il faut compter 5 francs par an pour le lit, 2 francs par mois pour le blanchissage. Aucun remboursement du prix de la pension pour les absences de moins de 15 jours. L’uniforme change : en hiver, robe noire, manteau et chapeau de la même couleur ; en été, robe noire, robe blanche, un chapeau de paille blanc et un mantelet de taffetas noir. Ces demoiselles doivent avoir un trousseau composé de 3 paires de draps, 12 mouchoirs de poche, 6 serviettes de toilette, 12 chemises, 6 bonnets de nuit, 6 serviettes de table et les couvertures nécessaires pour le lit, dont une blanche, et un couvert. Tout ce trousseau doit être marqué.
Evénements en relation avec l’instruction à Espalion au cours de cette période
En août 1863, le conseil général de l’Aveyron souhaite le rétablissement d’un inspecteur de l’enseignement primaire pour l’arrondissement à Espalion. En janvier 1868, un inspecteur de l’instruction primaire est enfin nommé !
Le 2 juillet 1867, Victor Duruy (1811-1894) ministre de l’Instruction publique (depuis sa nomination à ce poste le 23 juin 1863, ce ministère ne s’occupe plus des cultes) visite les établissements scolaires d’Espalion. La réception du ministre se fait avec des arcs de triomphe, la fanfare du collège joue, le sous-préfet et le maire l’accueillent par un discours. Le soir, les rues de la ville sont illuminées. En février 1869, le même ministre accorde la somme de 400 francs pour des réparations à l’école communale de garçons, dirigée par les frères de la doctrine chrétienne et en mars, il attribue une subvention de 3.000 francs pour la reconstruction de la salle d’asile. Sur cette somme, 1.000 francs seront prélevés pour faire élargir la rue conduisant à cet établissement.
En octobre 1869, une école mixte est créée à Calmont d’Olt.
En juin 1870, le directeur de l’école chrétienne d’Espalion fait «placer dans son établissement une pendule avec un cadran extérieur qui donne l’heure aux passants et aux promeneurs du boulevard» grâce à une souscription.
Sous le Second Empire, la distribution des prix est toujours l’occasion d’une fête, que ce soit au collège, au pensionnat des demoiselles ou aux écoles des frères. À cette occasion, chaque établissement invite une personnalité. Ces cérémonies de distributions de prix sont présidées tour à tour depuis 1852, par un maire, un procureur impérial, des abbés, des sous-préfets, un président du tribunal et divers mécènes acquis à la cause religieuse. Le 28 août 1855, la distribution des prix au Pensionnat des demoiselles s’accompagne d’une distribution de couronnes aux lauréates. À partir de 1856, les distributions de prix pour les trois établissements s’effectuent au mois d’août. Le 22 août 1856, à la distribution des prix de l’école des Frères de la doctrine chrétienne, des couronnes sont attribuées aux lauréats des trois classes. Puis, le 12 août 1857, c’est au tour des élèves du collège d’être couronnés lors de la distribution des prix. En 1865, au pensionnat, les prix sont remis dans la salle d’asile, et une fois les distributions terminées, l’assemblée se rend dans une salle où des travaux en tous genres, exécutés par les élèves pendant l’année scolaire, sont exposés. L’empire déploie ses fastes…
Pour Joseph Lacroix : «Ces distributions des prix étaient alors entourées d’une pompe extraordinaire très apte à frapper l’imagination des enfants, l’amour-propre des parents et l’attention du public. (…) Il est remarquable que tous les sous-préfets, les maires, les magistrats, les hommes publics invités à les présider, avaient à cœur de rappeler aux élèves et aux parents les grands devoirs de religion qui s’imposent avant tous autres à la famille chrétienne». Le 19 juillet 1870, la guerre est déclarée… contre la Prusse. En août, les élèves de l’école des frères de la doctrine chrétienne remettent la valeur de leurs prix pour aider les blessés de l’armée du Rhin.
Au commencement de la IIIe République, la distribution des prix au collège, au pensionnat des jeunes demoiselles et à l’école des frères se poursuit en août avec remise d’une couronne aux lauréats, en présence de personnalités et avec des discours… Au pensionnat, cette séance commence comme toujours par des chants et des exercices dialogués. Les discours et l’énoncé de ces prix peuvent être lus dans le Bulletin d’Espalion. Parfois sur les quatre pages formant un numéro du journal, trois ne suffisent pas pour faire le compte-rendu de la distribution des prix au collège !
La rentrée des classes pour les trois établissements s’effectue en octobre. En 1870, «Avis est donné à MM. les instituteurs et Mmes les institutrices que le service scolaire sera repris dans tout le département le 16 octobre prochain excepté pour les écoles où la sortie s’étant effectuée plus tôt, plus tôt aussi devra être faite la rentrée». Cette information est transmise par l’inspecteur d’académie. La rentrée du collège s’effectue le 18 octobre 1870.
Pour la rentrée de 1872, le principal du collège, l’abbé Marty, fait savoir : «Nous engageons vivement les familles à ne point prolonger les vacances de leurs enfants, à les envoyer dès les premiers jours de l’ouverture des cours. Souvent les succès et les progrès des élèves se ressentent grandement, pendant l’année, de la négligence et de l’incurie des parents à cet égard».
Le 9 octobre 1884, le collège étant sous la direction de l’abbé Birot, ce même avertissement paraît dans la presse.
En 1876, le comité départemental de l’Instruction publique fixe les vacances des écoles primaires du 1er septembre au 15 octobre.
En décembre 1887, «à l’occasion de l’élection du président de la République Sadi Carnot, il est accordé un jour de congé aux écoles : lycées, collèges, écoles normales, écoles primaires». Ce jour de congé s’ajoute aux vacances du jour de l’an 1888.
Une autre année, sur proposition de l’inspecteur d’académie, le préfet fixe les congés du jour de l’An dans les écoles primaires publiques de l’Aveyron. La sortie des classes est le samedi 30 décembre 1899 à 16 h et la rentrée est prévue le mercredi (soir) 3 janvier 1900. «Il sera fait classe le jeudi 4 janvier 1900 pour remplacer le mercredi 3».
Les écoles primaires
En 1873, le frère Invandus est nommé directeur de l’école des garçons.
Le 8 juin 1879, une bibliothèque scolaire communale est installée dans un local dépendant de l’école des garçons, elle est ouverte au public le dimanche de 16 h à 19 h. L’installation de cette bibliothèque est due à la générosité de Joseph Poulenc (aîné).
En mai 1880, le ministre de l’Instruction publique Victor Duruy fait don d’une collection de cartes de géographie et de tableaux de poids et mesures à l’école des filles de Biounac. En octobre, le choix d’un modèle d’armes spécialement destiné aux écoles primaires est fait. Il s’agit de fusils pour l’instruction militaire des élèves. Le 6 mai 1882, la commune d’Espalion reçoit 400 francs par décision ministérielle pour l’acquisition de mobilier scolaire.
Le 2 novembre 1895, des cours d’adultes gratuits sont ouverts à l’école laïque de garçons. Les jeunes gens de moins de 21 ans y sont admis. Les cours sont assurés le lundi, le mercredi et le samedi de 20 h à 21 h 30. En décembre 1895, un cours complémentaire est créé en ville. À partir du 4 décembre 1898, des cours d’adultes pour les jeunes filles de tous âges sont donnés gratuitement à l’école laïque de filles. Tous les dimanches de 13 h à 15 h, l’enseignement porte sur la langue française, le calcul, l’hygiène et l’économie domestique.
Les écoles primaires au plan national
La loi du 16 juin 1881 inclut définitivement les salles d’asile au nombre des écoles primaires publiques. Le 2 août 1882, un décret leur confère leur appellation définitive «école maternelle».
En octobre 1881, on constate que l’instruction primaire obligatoire qui est gratuite depuis le 1er juillet 1881, ne s’applique qu’aux écoles de garçons, car de nombreuses communes n’ont pas d’école communale de filles. «D’où le projet d’établir des écoles primaires gratuites de filles dans toutes les communes qui en sont dépourvues».
La loi du 28 mars 1882 rend l’enseignement primaire obligatoire et laïque pour les enfants de 7 à 13 ans. «L’enseignement moral et civique remplace l’enseignement religieux ; la religion pourra être enseignée le jeudi, mais en dehors de l’école. L’enseignement religieux reste un droit des élèves et des familles, à condition qu’il soit organisé en dehors des heures de classe et des édifices scolaires».
La loi du 6 juillet 1882 place les bataillons scolaires sous la direction d’instructeurs délégués par l’autorité militaire.
Depuis 1882, le retrait des signes religieux des locaux scolaires est possible, mais en 1905, tous les signes religieux n’ont pas encore disparu. Il faudra une troisième circulaire, du 15 septembre 1906, pour que désormais les crucifix soient retirés des écoles publiques et des mairies. Ce qui n’empêchera pas que jusqu’en 1999, une mairie du canton d’Espalion ait encore un crucifix cloué sur l’un des murs du secrétariat…
Pour les enseignants
Pour le collège, le changement de professeurs se fait par une décision de l’évêque en 1875 et au cours des années suivantes.
La nomination des instituteurs et institutrices laïques ou congréganistes est publiée dans la presse en 1876 et les années suivantes.
En juillet 1878, l’inspecteur d’académie prévient tous les instituteurs qu’ils ont à s’abstenir, sous peine de révocation, de tout châtiment corporel !
Un décret, de novembre 1881, établit que dans toute école de hameau qui aura reçu pendant l’année au moins 25 élèves de 5 à 13 ans, les instituteurs adjoints et les institutrices adjointes qui ont dirigé ces écoles seront élevés au rang d’instituteurs et d’institutrices titulaires et jouiront de tous les avantages attachés à ce titre.
En septembre 1882, le ministre de l’Instruction publique interdit à tous les instituteurs d’écrire dans les journaux et de s’occuper de politique «par la voie de la plume». «Toute infraction entraînera la première fois suspension des fonctions avec privation de traitement, en cas de récidive, la révocation sera prononcée».
Jean CANCRE
(À suivre)
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.