24e édition des bœufs gras de Pâques
Haute, de son œil bordé de khôl, scrute Lucien Conquet qui évoque ses souvenirs des foires des bœufs gras de Pâques durant son enfance. La représentante de la race Aubrac au Salon international de l’Agriculture en 2018 trône fièrement dans la salle de la réunion. Durant deux jours, ses acolytes seront à l’honneur lors de la 24e édition du festival des bœufs gras de Pâques. Les bêtes rassemblées sur le foirail concourent dans trois filières : bœuf fermier Aubrac Label rouge, Fleur d’Aubrac et bio race Aubrac. Le point d’orgue de ce concours de notoriété nationale est la vente aux enchères, qui se déroule l’après-midi, suivie par des transactions.
Comment va se dérouler cette nouvelle édition ?
Comme d’habitude, on ne fait pas de grands changements. On ne rajoute rien de plus par rapport aux années précédentes. On met surtout en avant le côté professionnel de cette manifestation. Le but de cette foire est de revaloriser les animaux et de mettre à l’honneur les éleveurs qui sont tous naisseurs-engraisseurs. C’est la particularité de ce festival. On s’inscrit dans une démarche de qualité qui récompense l’Aubrac.
Les bœufs gras, plus qu’un évènement professionnel, vous en faites surtout un festival, un moment de convivialité pour Laguiole.
Autour de cet évènement, s’est greffée une sorte de festival avec la soirée bœuf au comptoir, le défilé dans les rues… Nous avons la chance d’avoir un village dynamique qui peut accueillir du monde donc autant utiliser cette énergie pour créer une manifestation qui rassemble des gens. La première journée est vraiment plus pour les professionnels, mais le dimanche c’est plus décontracté avec la bénédiction des bêtes, les animations, les confréries… Ça se répète tous les ans. Nous avons concocté une recette gagnante. Le salon du chocolat amène beaucoup de fréquentation et le grand public en profite pour venir voir les animaux et admirer le travail des agriculteurs.
Ce festival est un évènement joyeux, mais c’est avant tout un concours avec une sélection où vous n’acceptez que 200 animaux.
Oui, nous avons fixé un palier, on ne peut pas rentrer plus de vaches sous le chapiteau et on trouve que c’est suffisant. Il y a un règlement interne que les éleveurs doivent respecter pour concourir. Par exemple, chaque agriculteur ne peut présenter que deux animaux au festival. Les éleveurs préparent ce festival six mois ou un an à l’avance. Ils travaillent sur la sélection. Ils doivent trouver l’animal qui correspond à leur critère, à leur idéal. Après, ils vont la soigner pour qu’elle devienne la meilleure bête. Ce concours c’est de la joie, mais aussi du stress. C’est l’occasion de se frotter à d’autres animaux. Mais ce que je veux rappeler, c’est que c’est déjà très bien et gratifiant d’être sélectionné pour participer à ce festival et ensuite si on décroche le Graal alors c’est tant mieux.
En tant que boucher, qu’attendez-vous de cette nouvelle édition des bœufs gras ?
J’ai une certaine nostalgie de ces Pâques d’antan de quand j’étais gamin. Pour les bouchers - dont mes parents - la foire des Rameaux était la période la plus importante de l’année. Le moment où les gens mangeaient le plus de bœufs. On faisait défiler des paires de bœufs dans le village et les bouchers allaient dégotter la meilleure bête chez les éleveurs. Quand j’étais enfant, les fêtes de Pâques, c’étaient vraiment quelque chose d’exceptionnel. Mon souhait est que cette pratique perdure. La boucherie est un métier de tradition. Au fil des années, cette coutume s’est étiolée. Tout s’est banalisé et les consommateurs, surtout ceux de la nouvelle génération, ne comprennent pas forcément la signification de ce festival. Le sens de cette tradition. Je veux qu’on redonne un sens aux fêtes de Pâques.
Alors, à quoi ressemblaient les foires de votre jeunesse ?
C’était un moment grandiose. À Pâques, la tradition à Laguiole était de manger du bœuf, car on est un pays de vache et non d’agneau. Il y avait toujours une foire aux Rameaux pour que les éleveurs présentent une paire de bœufs. Les bêtes défilaient dans les rues du village. C’était vraiment un instant festif où durant une journée tous les bouchers devenaient meilleurs amis alors qu’ils étaient des concurrents le reste de l’année. Ça marquait la fin du carême et la saison qui repartait pour la profession, car après le jeûne, les clients revenaient acheter de la viande. Les volumes vendus à cette époque étaient fous. Les gens se lâchaient, consommaient beaucoup. C’était aussi un moment où le boucher pouvait mettre en valeur sa maison. Le bœuf pascal était une tradition bien ancrée. Donc nous avons voulu la remettre au goût du jour.
Propos recueillis par Aline Amodru-Dervillez
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