Innovation
Comment éviter que les sangliers viennent saccager les champs de maïs ? Certains agriculteurs ont trouvé une astuce. «On m’a déjà demandé des cheveux pour les éparpiller autour des champs pour protéger les cultures des animaux. C’est sûrement l’odeur humaine qui les fait fuir», se rappelle Sophie, propriétaire de “Sophie Coiffure” à Laguiole. À part quelques utilisations anecdotiques — pour en disséminer dans les vergers ou dans les trous de taupes — les 4.000 tonnes de cheveux coupés par an en France finissent dans la poubelle. Chaque mois, la masse de déchets capillaires est de sept à dix kilos dans les salons de coiffure du Nord-Aveyron.
Une société clermontoise
Or, depuis 2019, une société clermontoise baptisée Capillum a décidé de recycler cette matière pour créer une nouvelle fibre écologique. Leur slogan ? «Vos cheveux ont du pouvoir». La star-up, fondée par Clément Baldellou et James Taylor, récupère les cheveux pour leur donner une seconde vie dans trois domaines : la recherche médicale, la dépollution des eaux et des sols et l’agriculture. «Je me suis toujours un peu renseignée, car je trouvais dommage de jeter tous ces cheveux et de ne rien en faire. Il n’y avait pas vraiment d’alternatives ou ce n’était pas pratique et cher», explique Marie-France de “SMF coiffure” à Laguiole. Certains salons ont découvert l’existence de la société auvergnate via leur site internet ou par des clients qui leur ont parlé de cette démarche. «C’est la Chambre de métiers qui m’a informée de cette initiative. J’ai tout de suite été intéressée pour y participer. Ça fait maintenant deux ans que je récupère les cheveux pour Capillum», se souvient Céline de “Hair du Temps” à Bozouls.
Après avoir pris contact avec l’entreprise — moyennant un abonnement annuel compris entre 70 et 159 euros — les salons de coiffure reçoivent leur kit qui est constitué d’outils de recyclage et de communication. «C’est très simple à mettre en place. Le kit de recyclage est composé de douze sacs poubelle à glisser dans un bac en carton aux couleurs de Capillum. Le fonctionnement reste le même que quand on jette des cheveux dans la poubelle noire», précise Isabelle du salon “Isab’elle” à Lacroix-Barrez. Dans cette boîte, toutes les natures capillaires sont acceptées. Court, long, coloré, décoloré, frisé, fin, fourchu, terne, cassant… Il y en a pour tous les goûts. «Ce qui est pratique c’est qu’on peut y jeter tous les cheveux, on n’a pas besoin de trier», rappelle Sandra de SMF Coiffure. En résumé, une démarche facile et peu contraignante. Un leitmotiv revendiqué par l’entreprise. «C’est vraiment très simple à mettre en place. Je fais ça depuis un an, je ne regrette pas du tout et j’encourage tous mes collègues à le faire», certifie Isabelle.
Des boudins de dépollution ou du paillage
Seul inconvénient, les coiffeurs doivent emmener les sacs chez un grossiste à Rodez qui les récupère pour les envoyer à Clermont-Ferrand. «Il existe un forfait un peu plus cher pour les faire retirer au salon, mais généralement j’attends d’avoir deux ou trois sacs remplis et de devoir faire des commandes à mon fournisseur pour les amener sur Rodez», résume Céline. La précieuse fibre capillaire est déposée chez Boy’s Diffusion ou à la Secam. Les crinières vont ensuite être transformées en deux produits. Premièrement, le boudin de dépollution. Le but est de dépolluer les zones portuaires, les océans ou les sols pollués grâce aux capacités du cheveu qui absorbe jusque’à huit fois son poids en hydrocarbures. Ce projet est en cours de développement.
Deuxièmement, la société a réalisé un paillage écologique à base de cheveux et de laine. Ce paillage 100% naturel, biodégradable et made in France a de nombreuses vertus. Le cheveu, un isolant thermique naturel permet de contenir l’eau et l’humidité du sol. Il réduit l’évaporation et ainsi limite l’arrosage. Ce paillage limite aussi le désherbage. Il est une barrière naturelle face aux limaces et escargots, freine le lessivage de la terre, protège les plantations du sol, retient la chaleur… Ce matériau est garanti deux ans, après il se biodégrade dans le sol. Cette nouvelle couverture est commercialisée sous deux formes. Des rouleaux de paillage (5 m x 80 cm) qui sont vendus à partir de 24,90 euros ou des disques, vendus par deux au prix de 5 euros. «J’ai des clients qui viennent exprès dans mon salon pour faire recycler leurs cheveux. Ils sont contents de découvrir ce qu’il advient de leurs cheveux, à quoi ils vont servir», observe Sophie.
Il existe d’autres structures qui récupèrent les cheveux pour les recycler comme l’association Coiffeurs Justes. Pour ce qui est de Capillum, tous les salons partenaires sont répertoriés sur leur Capi’map.
Aline Amodru-Dervillez
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