Monsieur le Président de la République,
Pendant votre Présidence de l'Union Européenne, en parfait écho à l’actualité législative de la Commission Européenne, vos déclarations ont clairement mis en avant, au-delà de l’innovation, la valorisation des savoir-faire, facteur reconnu de croissance et de l’importance des Indications Géographiques.
Déjà Ministre de l’Economie, vous rappeliez qu’une indication géographique met en évidence un lieu ou une région de production précis et détermine les qualités caractéristiques du produit originaire de ce lieu, comme prévu dans la loi relative à la consommation du 17 mars 2014 instituant les IG artisanales et industrielles.
Et pourtant, dans un département, le Puy-de-Dôme, situé à plus de 200 kilomètres du village de Laguiole, une nouvelle indication géographique est née : le “couteau Laguiole” !
Initié dès 2013, le cahier des charges de l’indication géographique “Couteau de Laguiole”, porté par les entreprises coutelières du territoire de Laguiole a été rejeté par l’INPI et mis en concurrence en 2018 par une candidature pilotée depuis Thiers. L’INPI, ayant refusé nos sollicitations comme nos invitations à se rendre sur notre territoire, galvaude non seulement l'origine du couteau de Laguiole mais également assimile, sans notre accord, notre nom et sa réputation (*) à un territoire qui n'est pas le sien en enregistrant ce 23 septembre 2022, une IG “Couteau Laguiole” qui couvre désormais plus de 90 communes sur 6 départements.
Comment une Indication Géographique peut-elle être reconnue sans que la collectivité principale, celle porteuse du nom géographique, qui a refusé le projet par décision du conseil municipal, ne soit partie-prenante de la démarche ? Peut-on sérieusement contraindre les couteliers du village de Laguiole à adhérer à une IG qu'ils n'ont pas choisie, sous peine de se voir interdire d'exploiter la dénomination “Laguiole” ? Peut-on ignorer le droit de la collectivité à disposer pleinement de son nom ?
La décision d'homologation de l'INPI est d'autant plus injuste, si ce n'est cruelle, que la loi relative à la consommation de 2014 avait précisément été adoptée pour protéger la commune de Laguiole contre les tentatives de dépossession d'un entrepreneur du Val de Marne, à coup de multiples dépôts de marques à partir de 1993 ; par un arrêt tant attendu et espéré du 5 Mars 2019 mais au terme de décennies de luttes judiciaires, la Cour d'appel (Pôle 5 - Chambre 1) avait finalement rétabli la Commune dans ses droits, sanctionnant l'appropriation frauduleuse de son nom par des dépôts de marques bien souvent données en licence à des entreprises françaises et étrangères qui commercialisaient alors sous le nom Laguiole des produits fabriqués en Chine et au Pakistan.
Comment dès lors accepter que l'INPI dévoie la loi, remette en cause 20 ans de lutte acharnée pour reconnaître le droit d’une collectivité à disposer de son nom et entérine cette nouvelle tentative d'expropriation par l'homologation d'une IG “Couteau Laguiole”, en violation du droit au nom séculaire de la commune de Laguiole ? Une réelle transparence pour le consommateur.. !
Le “couteau Laguiole” met en exergue :
- Les dysfonctionnements d’une administration “administrante” et non d’une administration de mission, chère au Général de Gaulle comme à vous-même,
- Les dérives de la procédure d’homologation mise en œuvre par l’INPI dans l’obtention des Indications Géographiques des Produits Industriels et Artisanaux en France et donne de ce fait un signal très négatif à nos homologues européens à un moment crucial où est discuté un règlement européen sur ces IG.
Nous considérons, dans le traitement de ce dossier que l’administration s’est montrée délibérément sourde et aveugle, emmurée dans son confort et ses convictions préjudiciables à nos territoires, à nos collectivités et à nos entreprises.
Monsieur le Président de la République, même si nous avons bien conscience des limites de ce courrier dans la mesure où la décision querellée de l’INPI fait l’objet d’un recours contentieux, nous tenions à porter l’ensemble de ces éléments à votre connaissance.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de nos sentiments républicains les plus respectueux.
Vincent Alazard, maire de la commune de Laguiole et conseiller départemental, Carole Delga, présidente de la région Occitanie, Arnaud Viala, président du département de l’Aveyron, Jean Valadier, président de la communauté de communes Aubrac Carladez Viadène, Stéphane Mazars, député de la première circonscription de l’Aveyron, Jean-Claude Anglars, sénateur de l'Aveyron, Alain Marc, sénateur de l'Aveyron, Éric Andrieu, député européen.
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