“Entreprise du Patrimoine Vivant” (EPV) depuis 2013 — un label en cours de renouvellement pour les 5 prochaines années—, la chocolaterie de Bonneval, officiellement “Société de la Bonne Vallée”, a soufflé cette année ses 140 bougies. L’abbaye cistercienne, fondée en 1147 à l’initiative de Guillaume de Calmont, évêque de Cahors, fut l’une des plus puissantes du Rouergue médiéval. Après avoir servi de noviciat régional pour toutes les abbayes cisterciennes du Sud-Est, l’établissement est vendu comme bien national en 1791, découpé en lots et partiellement ruiné. Son histoire moderne commence avec l’installation d’une colonie de moniales trappistines venues de Maubec, dans la Drôme, en 1875. La maison mère de Notre-Dame de Maubec, Aiguebelle, fabriquait déjà du chocolat depuis 1869, un savoir-faire que la communauté a développé à Bonneval à partir de 1878 pour assurer sa subsistance.
Il n’y a pas plus d’une douzaine de vrais chocolatiers en France
140 ans après, la chocolaterie de Bonneval baigne toujours dans une ambiance feutrée, et ses chocolats et confiseries emblématiques sont toujours au rendez-vous : pralinés enrobés de chocolat noir et éclats de noisettes continuent, une fois sortis de leur emballage jaune ou rouge (les verts et les bleus ne se font plus), de nous régaler de génération en génération. Mais loin de l’image d’Epinal, la communauté a su développer une véritable logique d’entreprise et évoluer avec son temps.
Tout en conservant leur savoir-faire traditionnel et en travaillant à partir de la fève de cacao, comme à peine une douzaine de vrais chocolatiers en France, les cisterciennes de Bonneval ont modernisé leur outil de travail et développé la production et la diffusion de leur chocolat, notamment depuis les années 2000.
Dernière évolution en date, l’acquisition en 2017 de deux nouvelles machines à enrober.
Et tout en subvenant à leurs besoins, les cisterciennes, qui sont un peu moins de trente à vivre à Bonneval, participent d’une part à la renommée gastronomique du Nord-Aveyron, et d’autre part emploient des laïcs : 6 personnes, dont 3,5 ETP (Equivalent Temps Plein) pour la chocolaterie, travaillent ainsi aux côtés des moniales. Comme il est d’usage chez les cisterciens, elles joignent le travail à la prière, et une dizaine d’entre elles sont présentes au quotidien à l’emballage, au conditionnement et à la boutique, et jusqu’à une vingtaine en période d’activité accrue.
Jusqu’en 2015, la production était supervisée par la regrettée soeur Anne : à 90 ans passés, elle était considérée comme la doyenne des chocolatières dans le monde et avait assimilé toutes les évolutions techonologiques de la chaîne de production. Pour des raisons de sécurité, d’organisation et d’hygiène, la chocolaterie ne se visite pas, mais un film est proposé aux visiteurs pour présenter le travail qui y est effectué.
Une gamme qui s’enrichit régulièrement
Avec le temps, la gamme des produits proposés par l’abbaye s’est considérablement étoffée. Aux côté des standards déjà cités, des confiseries et du chocolat en poudre, se sont développées, toujours à base de chocolat fabriqué sur place, des recettes au thé d’Aubrac, au thé cerisier de Chine, à l’orange, au café, etc.
La production annuelle, en progression régulière depuis 5 ans, est de 25 tonnes de produits finis qui se répartissent pour un tiers en malakoffs, bouteilles à la liqueurs, bonbons, chocolats à la crème confiseur et autres nougats, et pour deux tiers en une dizaine de variétés de tablettes. Bien entendu, en période de fêtes, ce sont les “bonbons” qui représentent le gros des ventes.
La production de Bonneval s’écoule pour un quart à la boutique de l’abbaye où l’accueil est assuré par soeur Brigitte, épaulée par Elodie, pour un autre quart dans le réseau monastique (la boutique propose d’ailleurs elle-même des produits de ce réseau), pour un gros tiers localement, c’est-à-dire dans un rayon de cinquante kilomètres correspondant peu ou prou au territoire du Bulletin d’Espalion et, pour environ 15%, dans des épiceries fines ou commerces spécialisés un peu partout en France. Quand une nouvelle recette est mise au point, le produit est d’abord testé à la boutique avant d’être commercialisé. C’est le cas des dernières tablettes ajoutées cette année à la carte de l’abbaye : un noir 78% cacao, clin d’oeil à l’année 1878, «extrêmement puissant mais sans amertume», et un autre noir, à 75% celui-ci, au cacao du Pérou, également sans amertume et agréablement fruité. Cette dernière création pourrait d’ailleurs donner suite à d’autres, faisant appel au cacao de petits producteurs du Honduras, de Madagascar ou de la Tanzanie mais chut ! on en reparlera plus tard.
En attendant, Pascal Ferrand, responsable de l’unité de production, insiste sur l’exigence de qualité qui préside à la production de Bonneval, basée sur de «vraies techniques, avec du vrai matériel et un vrai savoir-faire», rappelant que le chocolat, à 42 euros le kilo est un produit de luxe, même si ceux de l’abbaye restent abordables en terme de prix. Quant à l’évolution de la gamme, c’est à l’écoute des clients qu’elle se fait, dans le respect d’une tradition chère à tous, tout en restant ouvert à l’évolution.
Xavier Palous
Renseignements pratiques : la boutique est ouverte en semaine de 10h00 à 12h00 (sauf les lundis et mardis matin en-dehors des vacances scolaires) et de 15h00 à 17h15 et le dimanche de 15h00 à 17h00. On peut également se promener le long des remparts ou encore assister aux offices à l’église (voir les horaires sur le site internet). Un film de 25 mn présente l’histoire de l’abbaye, la vie de la communauté et la fabrication du chocolat. L’abbaye propose également aux personnes désireuses d’un temps de retraite ou de ressourcement spirituel de se retirer quelques jours à Bonneval. Retrouvez également la “Bonne Vallée” sur Facebook ou sur www.abbaye-bonneval. com (tél. 05.65.44.24.49).
ENCADRÉS
La plus vieille centrale électrique d’Aveyron
Dès 1881, une centrale hydroélectrique est installée sur la boralde pour faire tourner la chocolaterie et chauffer l’abbaye. C’est la première du département voire au-delà. Pour mémoire, la ville d’Espalion, qui fut pourtant l’une des premières de France, n’a connu l’électrification qu’en 1888. Aujourd’hui, l’installation, modernisée, fonctionne toujours sur la boralde. Elle n’alimente plus l’abbaye mais l’électricité produite est vendue à EDF, ce qui permet à l’installation de produire davantage, et de façon plus stable, une énergie verte.
Le saviez-vous?
Le Malakoff a été créé en 1855 par le grand chocolatier de Saint-Etienne, Jean-Louis Pupier, pour célébrer la victoire de Malakoff pendant la guerre de Crimée, la même année. Cette barre de praliné enrobée de chocolat aux éclats de noisettes eut tant de succès qu’aujourd’hui encore elle reste un best-seller chez les chocolatiers.
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