Dans un article du Bulletin de 1924, Joseph Lacroix, alors conseiller général, mentionne : «C’est à un Espalionnais, le chanoine Lucien Alazard, que nous devons la confirmation officielle du culte de notre Saint Patron avec Brévier, tous deux finirent par obtenir de Bourret en 1875 une demande d’enquête à la Congrégation des Rites aux fins d’établir, au moyen de documents non contestés, les origines de ce culte et son maintien non interrompu jusqu’à nos jours.»
En 1875, lors de son premier voyage à Rome, Mgr Ernest Bourret adresse à la Congrégation des Rites une supplique pour que la fête de saint Hilarian soit reconnue dans tout le diocèse. Rien de moins… il y parviendra, 12 ans plus tard !
Le 12 mars 1875, la Secrétairerie de la Sacrée Congrégation des Rites donne une réponse négative à l’évêque mais pour calmer les esprits, on lui accorde que si il peut : «produire des preuves et des documents assez concluants», on pourra revenir à la liturgie antérieure. L’évêque doit donc instruire un procès en canonisation.
Le 23 avril 1875, le cardinal Bartholini écrit à l’évêque Bourret pour lui confirmer qu’il doit conserver tel qu’il est le culte de saint Hilarian à la seule ville d’Espalion, et non sur tout le diocèse, suivant les préceptes de la bulle du pape Benoît XIV.
En 1875, l’évêque Bourret diligente des recherches sur le saint, en prenant en compte la bulle de confirmation en 1634 du décret d’Urbain VIII de 1623. Il faut prouver que le culte de saint Hilarian a été rendu sans interruption depuis au moins l’année 1534.
Trois personnes sont chargées de prouver les faits : Henri Affre, archiviste départemental et historien espalionnais ; son compatriote l’abbé Lucien Alazard, contributeur au Bulletin d’Espalion qui publiera en 1880 : «St Hilarian prêtre et martyr», et l’abbé Joseph Touzery, qui fera paraître «St Hilarian martyr» en 1922 dans la Revue Historique du Rouergue. Ils vont mettre toute leur énergie à rassembler les pièces nécessaires pour permettre un procès. Les archives départementales, diocésaines, paroissiales, communales et celles des bibliothèques publiques et privées vont être dépouillées et même les archives du Vatican, mais n’apportent pas le succès escompté.
Les documents rassemblés consignent les autels érigés en l’honneur de saint Hilarian, les tombeaux décorés, les tableaux exposés dans les églises, les reliques distribuées, les translations solennelles, les visites épiscopales, les insertions dans les calendriers ecclésiastiques, les fondations de legs pieux, les témoignages publics d’historiens et d’auteurs. Les personnes les plus âgées et les plus instruites sont entendues, mais en fait on n’obtient pas grand-chose de concret…
Enfin, le cartulaire de Conques fait son apparition comme pièce majeure avec une charte de 1060, où l’on se persuade de pouvoir lire les noms de saint Hilarian, de Sarrasin et de conforter des certitudes… Tous ces documents doivent apporter le témoignage d’un culte immémorial du saint.
Essayons de découvrir, à travers ces différentes recherches dans la tradition orale, la dévotion populaire, les anciens documents, les monuments et le nom même du personnage, ce que nous pouvons conclure…
«Les yeux sont les témoins plus sûrs que les oreilles» Héraclite.
La tradition orale est la source première qui conforte le culte de ce saint. En 1872, l’abbé Louis Servières écrit l’hagiographie du saint. En 1883, il invoque pour récrire cette hagiographie des faits discutables (la présence des Arabes dans l’espalionnais en 792). Puis en 1895, ces mêmes faits deviennent pour lui des certitudes. Dans sa préface de la réédition en 1895, de «saint Hilarian», Louis Servières précise : «Les éléments de la vie de saint Hilarian sont tirés de l’antique office du saint remontant à la fin du XIe siècle. (…) Le récit de la vie du saint est bref et concis. Nous avons cru devoir non l’augmenter, mais le placer dans son cadre historique. Ce cadre jette du jour sur le portrait. Si nous l’avons développé avec complaisance, c’est qu’il est intéressant et instructif par lui-même.»
Méfions-nous de la mémoire des hommes ! «Deux ou trois générations, car c’est le temps qu’il faut pour que les témoignages vivants se perdent…», Diane Meur.
Les membres du tribunal canonique vont entendre «les témoins les plus anciens et les mieux instruits sur ce qu’ils ont vu de leurs propres yeux ou appris des vieillards.» Des paroles, des propos que nous respectons mais en aucun cas les réflexions de ces personnes honorables ne peuvent être prises sérieusement pour vérité. On constate des faits qui se renouvellent chaque année, par tradition, dont on ignore l’origine, mais le but est bien de prouver la tradition du culte du saint.
La légende peut se résumer ainsi : Au VIIe siècle, Hilarian naît de parents nobles, aux environs d’Espalion. Il est le confesseur de Charlemagne, puis renonce à cette haute fonction pour convertir ses compatriotes. Prêtre, il officie alors à Perse mais se rend souvent à Lévinhac pour plus de sécurité. Comme il doit traverser le Lot, à défaut de barque, il étend son manteau sur les eaux, et par ce moyen passe et repasse la rivière. Des ennemis l’ayant un jour poursuivi sont submergés par les eaux. Une seconde fois poursuivi de nouveau par des ennemis, il se réfugie auprès d’un rocher qui s’ouvre pour le cacher. Ses ennemis s’efforcent souvent de s’emparer de lui pour le faire périr. Un jour, ils le surprennent à Perse où il célèbre la messe et lui tranchent la tête. Mais dès que les meurtriers se sont éloignés, il se relève, prend entre ses mains sa tête sanglante et la lave lui-même à la Fonsange. Il se dirige ainsi vers la demeure de sa mère et vient remettre sa tête entre ses mains, comme il le lui a promis.
Pour le père Pierre Blanc, en 1975 : «(…) ce genre de marche miraculeuse a laissé très sceptique les savants Bollandistes. Ils estiment que ce thème de légende est de caractère ecclésiastique et non populaire.»
Dans «Les Saints du Rouergue» en 1872, Louis Servières écrit : «Le martyrologe gallican fait mention du 15 juin du martyr saint Hilarian qui eut la tête tranchée, à Espalion, dans le diocèse de Rodez.» Ce martyrologe gallican de 1586 est le catalogue des martyrs et autres saints. Pour leur part, les Bollandistes apportent peu de détails sur la vie d’Hilarian. Ils précisent que «ces détails reposent pour la plupart sur les traditions locales… reproduites par les doctes hagiographes.» Ce qui n’est pas spécialement une référence…
En 1991, Pierre Blanc le dit et le redit : «Nous devons le culte de saint Hilarian aux moines de l’abbaye de Conques. Ce sont eux qui ayant transformé la paroisse de Perse en Prieuré bénédictin, relais des Pèlerins de Compostelle entre Aubrac et Conques, y développèrent à leur intention une légende somptueuse pour glorifier ce martyr supplicié en ce lieu dont il avait été le bon pasteur.»
Du même auteur, en 1987 : «Il est certain que la légende de St Hilarian n’adhère que très superficiellement à la réalité. Nous sommes en présence d’un saint fait pour les pèlerins de Compostelle, avides de »merveilleux« d’étapes en étapes. Après leur descente des mauvais chemins d’Aubrac vers les rives du Lot, leur parler d’un martyr, apôtre indomptable, né à Lévinhac et martyrisé à Perse où les moines de Conques les attendent, est une »excellente façon d’achalander ce relais«.»
En juin 1941 et juin 1945, Joseph Lacroix reprend les thèses de Louis Servières pour raconter la vie de St Hilarian dans le Bulletin d’Espalion.
Dans les années 30, un livre paraît : «La vie des Saints du Rouergue racontée à mes Petits Enfants » par E. Rual. Ce livre est illustré par Jean Ferrieu. La légende du saint est contée comme une jolie fable pour enfants. Des faits incertains sont énoncés comme historiques sans aucune preuve.
Une belle histoire…
Jean Ignare
À suivre…
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.