En 1858, le Propre de Rodez est envoyé à Rome. La Congrégation des Rites doit approuver la fête et l’office de tous les saints ou saintes du département de l’Aveyron et pour cela, pour chacun d’eux les preuves sont jointes d’un culte liturgique immémorial et ininterrompu.
Le 19 mai 1859, le pape Pie IX approuve la nouvelle édition du Propre. Dans le calendrier diocésain, le nom de saint Hilarian paraît pour la dernière fois car la Congrégation des Rites a rendu son verdict pour Hilarian : c’est un refus ! Les documents présentés sont insuffisants !
Le Vatican demande que l’on cesse ce culte, ce saint lui étant inconnu ou presque. Sur la marge de l’office de saint Hilarian (il s’agit de la prière particulière qui se dit en l’honneur du saint) est écrite la décision rendue par la Congrégation des Rites : «Bien que les documents produits par Mgr l’Evêque de Rodez établissant aux XIVe et XVe siècle l’existence, dans le diocèse même, d’une église et d’un bénéfice sous l’invocation de saint Hilarian martyr, cependant il n’est pas suffisamment prouvé que ce saint ait été jamais honoré d’un culte liturgique et que ce culte ait été public et ininterrompu jusqu’à notre temps. C’est pourquoi la Sacrée Congrégation des Rites n’a pas cru que cette fête et cet office puissent être approuvés, à moins que l’on ne produise d’autres documents plus explicites qui dissipent tout doute au sujet de la continuité du culte non interrompu.»
Un parchemin de 1450, aux archives communales, relate cette fête du saint. Le 15 juin 1450 est consacré aux cérémonies religieuses, et le lendemain, les paroissiens s’adonnent aux réjouissances et aux divertissements profanes. Pendant ces deux jours, tous les travaux sont arrêtés. L’ouverture des réjouissances se fait, dès le matin, par le bruit des couleuvrines et des mousquets du haut des remparts, par la suite le bourdon résonne dans les rues. La population se retrouve au Foiral, où des jeux sont organisés, tandis que violons et hautbois permettent les danses. Vers 17 heures, un banquet commence. Sur la place du Plô, la soirée s’achève par un feu de joie et une farandole. Henri Affre mentionne le contenu de ce parchemin.
En 1895, l’abbé Louis Servières rappelle une sentence de l’officialité de l’évêché de Rodez du 7 mai 1451 : «C’est l’habitude au lieu d’Espalion dans l’église de Perse de solenniser en ce saint lieu ce jour-là. Ainsi le 15 juin dernier [en 1450] pour cette célébration, il y a eu au moins mille personnes et même plus.»
Chaque année, depuis le XVIe siècle, lors de la fête votive de saint Hilarian, en arrivant à Perse en procession, les religieux chantent l’antienne propre de saint Hilarian avec le verset et l’oraison.
Le 9 avril 1860, l’évêque Louis Delalle écrit à l’abbé Cabantous, curé d’Espalion :
«Mon cher curé,
Nous avions maintenu St Hilarian dans le Propre diocésain qui a été soumis à l’approbation du Saint Siège. Mais la Sacrée Congrégation des Rites a jugé que la perpétuité de son culte n’était pas suffisamment prouvée, et elle l’a éliminé. Néanmoins, comme j’avais à cœur que la paroisse d’Espalion ne fût pas déshéritée du patron qu’elle vénère et qu’elle aime, j’ai réclamé que la fête pût être célébrée, sinon comme fête diocésaine maintenue au calendrier, du moins comme fête patronale restreinte à cette paroisse.
J’ai reçu une réponse favorable à ma demande. Mgr Capalti, secrétaire de la Congrégation, m’a fait observer que la non approbation de l’office de quelques saints patrons n’entraîne pas la condamnation de leur culte et il déclare que je suis autorisé à le maintenir. Si les preuves alléguées pour établir la perpétuité de ce culte n’ont point paru suffisantes pour une approbation formelle, elles suffisent néanmoins pour que le Saint Siège la tolère et le permette dans des conditions que je viens de dire.
En conséquence, je vous autorise à célébrer comme par le passé la fête de St Hilarian à Espalion, en prenant dans l’office du commun du bréviaire et du missel romain.»
Le 17 juin 1860, jour de la fête de saint Hilarian, une autre fête est célébrée par un Te Deum qui est chanté solennellement dans l’église St Jean-Baptiste rue Droite pour rendre grâce à Dieu de l’heureuse et pacifique annexion de la Savoie et du Comté de Nice à la France. Au cours de cette journée, les courtisans de l’Empire se montrent. On remarque le préfet Demonts, le sous-préfet Dard, le conseiller de préfecture, le baron de Nogaret et les membres du conseil de révision, Casimir Mayran du conseil général, le maire Louis Thédenat et ses adjoints, la magistrature, le barreau, les fonctionnaires et les employés des diverses administrations, le lieutenant de gendarmerie, le commissaire de police escortés par les sapeurs-pompiers et les gendarmes. Les musiciens, en tête du cortège, se sont aussi rendus à cette imposante cérémonie qui restera gravée dans les fastes de l’histoire locale.
Avant de rentrer à l’hôtel de la sous-préfecture, et encore entouré de son brillant cortège, le préfet passe en revue la compagnie des sapeurs-pompiers qui est au grand complet et leur adresse une courte allocution, saluée par les cris unanimes et répétés de : «Vive l’Empereur ! Vive monsieur le préfet !»
Le préfet se rend ensuite au château de Lévinhac pour assister à un grand dîner offert par Casimir Mayran qui réunit de nombreux convives.
L’après-midi, la foule participe à la procession de saint Hilarian à Perse mais n’apprécie pas que le clergé ait supprimé l’antienne propre du saint et chante pour la remplacer celui du commun d’un martyr. Le culte de St Hilarian est autorisé pour la seule paroisse d’Espalion, toutefois, avec l’office et la messe se référant au commun d’un martyr, on voit l’hypocrisie… La foule manifeste son désaccord et un grand nombre de fidèles se retire. L’adjoint et plusieurs conseillers municipaux, les sapeurs-pompiers et les musiciens prennent aussi le chemin du retour.
À l’entrée de la nuit, on oublie l’incident. L’allégresse publique se manifeste. Les façades des édifices publics et de certaines maisons particulières reçoivent de très belles illuminations.
En 1860, Henri Affre publie une «Notice sur St Hilarian». Il faut sauver ce saint ! Il faudrait que des recherches soient entreprises !
Malgré tout, les fidèles s’accommodent du verdict du Vatican. Le 15 juin, saint Hilarian est toujours fêté et on se passe de l’antienne propre à ce saint. On le fête, voilà tout ! Son culte est autorisé par le Saint Siège pour la paroisse d’Espalion jusqu’en 1874…
L’arrivée en 1872, de l’abbé Louis Brévier redonne le goût de la lutte. Il prend à son compte les récriminations de ses ouailles. Comme nous l’avons mentionné en première partie, il va au cours de son apostolat œuvrer pour deux causes. Il va se battre pour la construction d’une nouvelle église dont la première pierre sera posée le 28 septembre 1879. L’église sera consacrée le 3 octobre 1883. Sa deuxième œuvre sera la restauration du culte de saint Hilarian. Il contacte l’évêque de Rodez et de Vabres Ernest Bourret.
À suivre…
Jean Ignare
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.