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Ma vie de châtelain. Château de Cruéjouls : l’histoire d’un sauvetage

Aveyron.

En 2007, Nathalie Auguy-Périé et Xavier Périé rachètent à la communauté des sœurs de Jésus Serviteur une demeure datant du XVe siècle situé dans le village de Cruéjouls. Les nouveaux propriétaires doivent relever un défi de taille, restaurer cette maison forte où les murs tombent et les arbustes poussent sur le toit.

Ma vie de châtelain. Château de Cruéjouls : l’histoire d’un sauvetage
De gauche à droite : Nathalie Auguy-Périé, Marthe, Esther et Xavier Périé.

Une bâtisse en forme de trèfle, flanqué de quatre tours rondes qui protègent et dissimulent aux yeux des passants un corps principal rectangulaire. Dans ce château, seulement des pièces carrées où les murs se rejoignent en angle droit. Les courants d’air ont pris possession de l’escalier à vis qui dessert un chaleureux logis où trône une cheminée monumentale surmontée d’un écusson aux armes des Nogaret de Trélans. Sous la voûte haute de six mètres, le chauffage au sol, une cuisine à îlot central… Le mariage étonnant entre le Moyen Âge et la modernité. Ce château est tout en contraste et en opposition. L’extérieur est austère et militaire et l’intérieur est lumineux et spacieux avec les immenses fenêtres créés au XVIIIe siècle. Des murs moyenâgeux de deux mètres d’épaisseur avec des meurtrières et à l’intérieur des meubles du XXIe siècle. Posé sur le roc dont les irrégularités se font sentir sous les pieds, le château a défié le temps.

Des portes aux États-Unis

Il a fallu presque sept ans de travaux pour que Nathalie et Xavier  habitent cette forteresse. Tout a commencé un peu avant 2007. Le couple cherchait à acquérir une maison de caractère. Ils avaient déjà visité une fois le château de Cruéjouls lorsqu’une association avait organisé une exposition d’art contemporain. «Après, ce fut surtout le hasard qui nous a permis d’acheter cette maison», certifie l’ancienne maire de Saint-Côme d’Olt, «c’est notre antiquaire qui nous a parlé du bâtiment. Les sœurs venaient de lui vendre les portes. Il nous a dit que la demeure pourrait nous intéresser et que les propriétaires voudront peut-être s’en séparer». Les deux époux retournent visiter le château de Cruéjouls, mais cette fois avec un regard d’expert en immobilier plutôt qu’un œil d’esthète. Ils ont rencontré la supérieure de la communauté. Les sœurs n’avaient pas prévu de vendre et la décision appartenait à la congrégation située à Rodez. Après plusieurs négociations, l’affaire est conclue. Le château a de nouveaux propriétaires. Mais les portes se sont envolées aux États-Unis.

Un architecte, mais peu d’informations

«Notre but était de restaurer le château sans modifier son aspect extérieur. On voulait conserver les éléments remarquables, mais aussi le rénover pour qu’il soit confortable à vivre et à chauffer», raconte Nathalie. La bâtisse n’est ni inscrite ni classée aux monuments historiques. «On ne veut pas dénaturer le château donc on s’est imposé des contraintes. En plus, l’église du village est classée donc on a fait appel à un architecte des bâtiments de France pour nous accompagner», reconnaît Xavier. La mission de Louis Causse ? Harmoniser l’ensemble des huisseries, dont 39 fenêtres, avec toutes des tailles et des carreaux différents. Dans cette rénovation, les propriétaires vont contacter des artisans locaux, François et Sébastin Guiral, menuisiers qui vont refaire les planchers ou les portes. Mais aussi Michel Guiral, charpentier à Saint-Côme qui va se lancer, avec l’aide de l’architecte, dans la reconstruction de la tourelle. Effondrée avant l’arrivée de Nathalie et Xavier, elle abrite un escalier qui dessert un demi-étage entre le premier et le deuxième. Sa réédification est un défi, «car nous avons très peu d’informations sur l’histoire et l’architecture du château. On n’a pas de photos de la tourelle avant sa démolition et personne pour nous aiguiller. Nous avons donc dû l’imaginer», confesse Nathalie.

Les artisans, les véritables héros de cette restauration

Mais le plus pressant est de mettre le château hors d’eau. La pluie a ruisselé le long des parois. Elle a fissuré et fait tomber des morceaux de murs. Les arbres poussent sur l’absence de toiture. Le chantier est donc urgent. Sur la table immaculée d’un style contemporain, un album photo où Nathalie conserve précieusement les souvenirs des différents travaux. Un témoignage visuel pour se rappeler le travail accompli. Sur la première page, quelques rares informations glanées sur l’histoire du château. Le bâtiment n’a pas de charpente, ce sont simplement des voûtes. Il n’y a pas d’ardoise ou de gouttière, mais seulement des pierres qu’il faut tailler en arrondi pour couvrir les quatre tours. C’est un couvreur d’Aguessac, Nicolas Séverac, qui va passer cinq mois et demi sur le toit à quinze mètres de haut pour réaliser ce chantier unique. «Il partait un peu à l’aventure et jusqu’au dernier moment il ne savait pas s’il allait réussir la jonction», rigole la propriétaire. «Ces travaux nous ont permis de rencontrer des artisans passionnés et exceptionnels. On a pu admirer leur savoir-faire et échanger avec eux. C’est ce que j’ai préféré», confirme Xavier. Une restauration avec des matériaux respectueux de l’édifice, seulement de la chaux, du sable, du bois et de la pierre et surtout aucune trace de béton.

Entre deux évocations du passé, les rires des enfants. Marthe et Esther courent d’une tour à l’autre, virevoltent autour de la table pour chuchoter à l’oreille de leurs parents en demandant des conseils pour des jeux. Elles connaissent les moindres recoins du château. Ses passages secrets et ses pièges. Elles ont vu leurs parents passer des week-ends entiers dans les gravats et la poussière. Elles ont assisté à la remise au niveau des sols et à la pose des dalles du logis par leur père. Mais également à la redécouverte d’encadrement au-dessus des portes quand les artisans ont fait tomber les murs et les enduits abîmés. Elles ont été témoin des moments de découragement et des sacrifices que demande l’entretien d’un tel patrimoine.

L’âme du château

C’est sur leurs fonds propres que Nathalie et Xavier ont réhabilité le château. «On a dû rénover petit à petit, car chaque étape était un budget et aussi on souhaitait prendre le temps de bien faire la restauration. On n’était pas pressé. On ne désirait pas subir les travaux. On voulait s’imprégner de l’ambiance du monument», souligne la professeure. «Ça peut paraître un peu bizarre, mais j’ai l’impression que le manoir nous a guidés pour effectuer les travaux, qu’il nous a choisis. Le bâtiment est rempli de bonnes ondes et on s’y est senti bien dès que nous sommes rentrés».

Laisser son empreinte dans la pierre

L’enjeu était désormais d’apporter les commodités modernes dans des salles du XVe siècle. «Notre but était d’en faire une maison de vie, notre maison, donc on l’a rendue confortable», explique le commerçant. Des petites niches sont présentes dans les pièces. Nathalie et Xavier ont commandé des portes sur mesure pour créer des placards. Sur ces portes, une touche personnelle. «Xavier avait ramené des portes d’Afrique. On a voulu les intégrer à l’édifice. Du coup, on a découpé les portes africaines et on les a incorporées aux portes des placards», sourit Nathalie. Au détour d’un mur, un crocodile de bois noir surgit. Disposées au gré des envies, dans les pièces de la bâtisse, des sculptures rappellent les voyages africains de Xavier. Les deux ont souhaité s’approprier la demeure, mais aussi y laisser leur empreinte. Une de leurs fantaisies fut la réalisation de vitraux. L’œuvre est exécutée par Dominique Chatelain, maître-verrier à Pomayrols. Dans une des tours, Xavier a créé au sol une rose des vents en bois et pierre bleue du Hainaut (Belgique).

«On est seulement de passage»

«Pourquoi on a décidé de rénover ce manoir ? Très bonne question, car la vie de château ce n’est pas simple et de tout repos», s’amusent les propriétaires, «c’est vrai que la restauration a demandé beaucoup de sacrifices». Ici, il n’y a pas une armée de domestiques, il faut monter le bois par la fenêtre et nettoyer soi-même les pierres noircies par la suie, «mais c’est un choix de vie». C’est principalement l’architecture en forme de trèfle qui a séduit les acquéreurs et sa dimension à taille humaine. «Il n’y avait pas quarante pièces, c’était facilement habitable et puis l’édifice était en souffrance, il fallait l’aider». Pour Xavier et Nathalie, ils ne sont que les gardiens de ce château. «Nous sommes seulement de passage, on transmettra à nos enfants ou pas le bâtiment. On aura fait notre chemin et entretenu un bout de notre patrimoine et de l’histoire aveyronnaise», conclut Xavier.

Les propriétaires s’attaquent désormais au deuxième étage où se trouveront les chambres d’Esther et de Marthe.

À lire : Ma vie de châtelain, Géraud de Grenier de Lassagne, seigneur de la Boissonnade

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