Nommée préfète de l’Aveyron pendant l’été 2020, Valérie Michel-Moreaux aura donc dû attendre presque deux ans pour appréhender ses missions sans le prisme omniprésent de la pandémie. Mais lorsque le rendez-vous a été pris avec les journalistes pour cette première “matinée d’échanges en préfecture”, la représentante de l’Etat dans le département n’imaginait pas qu’une autre crise viendrait s’ajouter à la table des discussions : l’invasion de l’Ukraine par les soldats russes, qui préoccupe jusqu’en Aveyron (lire encadré). Cette parenthèse internationale refermée, la locataire du n°7 de la place Charles-de-Gaulle a pu embrayer sur les thématiques plus locales initialement prévues à l’ordre du jour.
Un rebond économique inédit
Alors que la crise sanitaire marque clairement le pas en Aveyron, avec un taux d’incidence en baisse de 40 % par semaine, le rebond économique constaté en parallèle dans le département est tout à fait «inédit», selon la préfète.
Une santé éclatante dans tous les secteurs, désormais plus concernés par la recherche ardue de main-d’œuvre que par le remplissage de demandes d’aides auprès des institutions, même si deux filières sont à la traîne : «La reprise dans l’aéronautique et l’automobile ne sont pas à la hauteur des autres secteurs, mais leurs niveaux ne sont pas aussi bas qu’avant-crise», remarque Valérie Michel-Moreaux. Face à cette situation globalement positive, l’heure est à la «normalisation des aides de l’Etat» et notamment des mesures de chômage partiel, qui retrouvent des taux normaux. Depuis le déclenchement des premières mesures en avril 2020, la préfecture aveyronnaise estime que le montant total des aides consenties dans le département atteint un seuil «pas loin du milliard», boosté par le lancement en septembre 2021 du plan France Relance.
Le point noir de la SAM
Toute l’économie aveyronnaise n’est pourtant pas à la fête. A Viviez, les 350 salariés de la SAM (société aveyronnaise de métallurgie) occupent depuis maintenant plus de 100 jours les locaux de leur usine, suite au placement de l’entreprise en liquidation.
Devenu un symbole de la désindustrialisation française, le cas de la SAM, mais aussi celui de l’usine Bosch de Rodez, sont «deux points noirs avec à la clé des suppressions d’emploi importantes», reconnaît la préfète. Des espoirs sont néanmoins permis pour la fonderie, où un porteur de projet lotois s’est récemment positionné pour s’implanter sur le site. «L’Etat et la Région sont d’accord pour financer l’étude d’implantation, affirme le haut fonctionnaire. Mon objectif est qu’on avance le plus vite possible et qu’on puisse y voir plus clair d’ici la fin du semestre».
Mais même si le projet venait à se concrétiser, celui-ci ne concernerait qu’une cinquantaine de salariés sur les 350 à la reprise, selon les premières esquisses dont dispose la préfecture.
L’agriculture à l’heure d’Egalim 2
Le 8 février, le ton était monté lors d’une rencontre entre les agriculteurs aveyronnais et le rapporteur de la loi Egalim 2, le député de l’Aube, Grégory Besson Moreau. Le texte provoque une levée de boucliers chez les éleveurs car il prévoit une obligation de contractualisation entre le producteur et l’acheteur. Vendredi matin, la préfète de l’Aveyron a défendu cette loi, en rappelant que son premier objectif était de «remettre dans le paysage la réalité du coût de production pour permettre aux agriculteurs de vivre de leur métier».
Egalim 2 souhaite ainsi, via cette contractualisation, éviter les fluctuations des prix dictées par les grandes et moyennes surfaces, et dont souffrent les producteurs. L’idée porte sur un contrat de trois ans, mais aussi «non homogène ni unique, modulable et qui comme tout contrat, s’adaptera», rassure Valérie Michel-Moreaux.
Pas de “brigade loup” pour aujourd’hui
En plein Salon de l’agriculture, l’occasion était toute trouvée pour évoquer aussi la question de la présence du loup sur le sol aveyronnais. Ou plutôt des loups, car ils sont au moins deux et probablement trois, selon la préfète, à sévir en Aveyron. «On n’a pas de meute identifiée dans le département. On a un loup au nord, qui se balade sur l’Aubrac, la Lozère et le Cantal, et on peut penser qu’il y en aurait deux isolés qui passent sur le sud, entre Aveyron, Gard et Hérault», reconnaît-elle. Pour autant, la représentante de l’Etat juge encore trop précoce la réflexion autour de la création d’une “brigade loup” basée dans le Massif central, ce qui constitue pourtant l’une des principales demandes des éleveurs. A ce jour, une seule brigade de la sorte est effective en France, la plupart du temps dans les Alpes. «La brigade Massif central, c’est quelque chose qui a pu être évoqué. Mais le nombre de situations dans lesquelles il aurait été fondé de faire appel à la brigade est quand même très marginal pour l’instant. Aujourd’hui, ça ne serait pas raisonnable», tranche Valérie Michel-Moreaux. Il faudra pour le moment se contenter de tirs de défense renforcée sur l’animal. Neuf ont été accordés pour l’année 2022 en Aveyron (lire également page 6).
Attaques de vautours sur des animaux vivants
Autre sujet de débat entre monde agricole et biodiversité, les attaques de vautours sur des animaux vivants font également l’objet d’un travail de la part des services de l’Etat, qui tentent aujourd’hui de «mieux connaître l’animal». «L’enjeu n’est pas de tuer ou faire disparaître des espèces protégées, mais l’idée est de créer une cohabitation et de voir si la logique d’effarouchement peut être travaillée», explique la préfète. La présence des vautours dans le Sud-Aveyron ne pose pas de problème, les rapaces servant d’équarrisseurs aux éleveurs d’ovins grâce à un système de placettes qui satisfait tout le monde. Mais la situation est plus tendue sur l’Aubrac, où plusieurs cas de bovins ou d’équins dévorés lors de mises bas ou de positions de faiblesse ont été enregistrés. La réflexion se porte actuellement sur la création d’une zone autorisée aux tirs d’effarouchement sur le vautour, mais dont le périmètre n’a pas encore été annoncé. «Il y a encore 18 mois, le discours qu’on tenait était que le vautour ne mangeait que du mort. Ce n’est pas vrai, on le voit bien», conçoit Mme Michel-Moreaux.
Encore de la place pour les éoliennes
«On est dans un département où il y a beaucoup de vent, et si en France on veut développer l’éolien, on le fera dans les endroits où il y a du vent.» Dans cette logique implacable, et à l’appel de la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, une cartographie des “zones favorables à l’implantation d’éoliennes” est en cours d’élaboration en Aveyron. L’idée est avant tout, selon la préfète, de proposer aux promoteurs éoliens des zones adaptées à l’installation de mâts et de pales, plutôt que de les laisser choisir par eux-mêmes des zones plus intéressantes économiquement, mais sources de conflit avec le voisinage ou la biodiversité. «Aujourd’hui, il y a encore des marges dans le département pour faire de l’éolien», estime la représentante de l’Etat. L’Aveyron est actuellement le deuxième département d’Occitanie sur l’éolien après l’Aude. La cartographie, elle, travaillée en concertation avec de nombreux acteurs dont des associations de défense de la biodiversité et des paysages, devrait être finalisée d’ici juin.
RN88 : ouverture du tronçon Baraqueville-La Mothe le 1er juillet
Cette matinée d’échanges en préfecture s’est clôturée par un point sur la sécurité routière. Alors que deux personnes sont déjà décédées sur la route en 2022 en Aveyron (un chiffre identique à 2021 à la même période), les forces de l’ordre déployées sur le terrain constatent que la conduite sous l’emprise de stupéfiants est largement en tête des infractions, loin devant l’alcoolémie et le téléphone au volant.
Enfin, sur le projet très attendu de l’avancement de la RN88, Valérie Michel-Moreaux a annoncé vendredi l’ouverture du tronçon reliant Baraqueville à La Mothe le 1er juillet, alors qu’elle était initialement attendue pour la fin de l’année. Celle-ci intervient au terme de trois années de travaux et de la construction de cinq ouvrages d’art sur une portion de sept kilomètres. Pour le reste du tracé restant à effectuer, la préfète a indiqué que le Premier ministre s’était engagé en décembre dernier sur un examen complet du tracé de la 2x2 voies.
ENCADRÉ
L'économie aveyronnaise plutôt épargnée par la crise ukrainienne
En préambule de sa rencontre avec les médias, vendredi 25 février, la préfète de l’Aveyron a accepté d’effectuer un crochet par le sujet ukrainien et les possibles impacts que pourrait avoir cette crise sur l’économie du département.
Si une hausse des prix du gaz, de l’essence et surtout du blé est à prévoir comme sur le reste du territoire national, les principales filières aveyronnaises semblent relativement peu touchées par le flot de sanctions à l’encontre de la Russie, même si quelques grosses entreprises vont être concernées. C’est notamment le cas des sociétés spécialisées dans la distribution de semences céréalières, à l’image de la RAGT, qui travaille à la fois avec la Russie et l’Ukraine.
Par ailleurs, certaines entreprises ont également l’habitude de travailler avec du bois russe, mais «on n’est pas sur des risques de défaut d’approvisionnement, ce sont des marchés qui vont glisser d’un fournisseur à un autre», assure Valérie Michel-Moreaux, qui s’était entretenue la veille avec les acteurs économiques du département sur le sujet.
La préfète se veut, en revanche, plus inquiète quant aux «risques de cyber-attaques ou de désinformation dans des périodes particulièrement sensibles comme les échéances électorales et démocratiques». La représentante de l’Etat appelle à la vigilance face aux “fake news” et à la sur-réactivité dans cette période qui est «plus qu’un envahissement».
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