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Tourisme en Aveyron 4/6. La Chartreuse Saint-Sauveur de Villefranche-de-Rouergue, joyau de l’art gothique

Aveyron.

Comme le voulait la coutume en ce milieu du XVe siècle, le 17 juin 1450, la veille de son départ pour son voyage (romiage) à Rome, le riche marchand drapier de Villefranche Vésian Valette dictait son testament à un notaire, stipulant qu’au cas où il ne reviendrait pas vivant de la «cité éternelle», avec sa fortune, sa femme, Catherine Garnier, devrait faire construire un monastère.

Tourisme en Aveyron 4/6. La Chartreuse Saint-Sauveur de Villefranche-de-Rouergue, joyau de l’art gothique

Grâce à cet épisode tragique — Vésian mourra de la peste à Rome — nous pouvons admirer encore aujourd’hui un chef-d’œuvre d’architecture lapidaire issu de travaux débutés en 1452 et qui s’achèveront en 1528.
Hésitant entre la dentelle ouvragée et la perspective du grand cloître, gothique flamboyant et médiéval montrent les deux facettes d’un art élevé au paroxysme des joyaux de l’architecture religieuse.
Le gros œuvre est confié au maître maçon Conrad Rogier, les sculptures à Julien Coupiac et les images à Pierre Viguier, des spécialistes qui érigent entre autres le petit cloître entre 1458 et 1460.
Dès 1459, douze moines vont s’encelluler suivant la règle de Saint-Bruno, empreinte d’ascétisme et de silence dans le recueil de la prière et de la solitude existentielle.
Le plan prévoit d’accueillir douze pères chartreux composant le chapitre, placés sous l’autorité d’un prieur, entourés de frères convers qui n’ont pas prononcé leurs vœux, chargés des tâches agricoles et domestiques.
L’Ordre de Chartreux, fondé en 1084 par Saint-Bruno, impose aux moines une discipline mêlant les pratiques du cénobitisme occidental et de l’érémitisme oriental, autrement dit les pères participent collectivement aux offices et aux actions de grâces mais vivent cloîtrés dans des cellules.
La règle cartusienne les astreint à un silence absolu dont les prières rythment l’existence entrecoupées d’offices et de lecture des saintes Ecritures.
Le grand cloître est constitué de 4 galeries coiffées d’enfilades de croisées d’ogives gothiques qui offrent une vue en perspective singulière. L’écrivain Jean Gazave vit «une majesté puissante dans ces nefs ajourées jouant avec la pierre imagée dans les fantaisies de l’ombre et de la lumière du soleil filtrées dans l’enclosure du parc».
L’église adopte une organisation architecturale épurée, qui abrite près de l’autel l’enfeu des fondateurs, unis ensemble afin de rejoindre l’au-delà.
Le petit cloître est placé de sorte à distribuer l’église, le réfectoire et le grand cloître selon un plan carré ajouré de baies ogivales aux remplages ornementaux adoptant les styles raffinés du gothique flamboyant.
Depuis le vestibule on accède à la salle capitulaire où le prieur réunit tous les dimanches matin le chapitre, moment où il renseigne les moines sur les événements concernant la vie interne du monastère comme la vie temporelle à l’extérieur de la clôture.
Tout à côté le réfectoire est le lieu où on prend le repas en commun les dimanches et jours de fêtes, dans le plus grand silence et sans viande, mais avec du poisson de l’Aveyron provenant du vivier de la Borie-des-Pères. Dans l’épaisseur du mur, la chaire du lecteur, richement décorée de trois arcs offrant un bel effet décoratif, donne à imaginer l’ambiance des repas avalés aux accents latins des litanies.

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En 1793, la Chartreuse devint un hospice, une heureuse dévolution sans quoi elle aurait peut-être subie les outrages du temps et surtout des hommes.
Les malades pourront venir y prier sainte Apolline en implorant son intercession en tant que guérisseuse du mal de dents, un culte méconnu de cette Chartreuse qui aurait abrité des reliques de la Sainte, mais cela ne semble pas très cartésien à défaut d’être cartusien.
Laissez-vous guider dans cet univers nimbé d’un voile mystérieux des 13 anachorètes voués à la prière, aidés dans leurs tâches matérielles par 8 moines convers. Les reclus vont suivre à partir de 1459 un apostolat empreint d’ascétisme, dont les silhouettes encapuchonnées de bure semblent hanter cinq siècles plus tard, dans un jeu d’ombres et de lumières, les ogives trilobées du petit cloître aux dentelles gothique flamboyant.
Assis dans les stalles d’André Sulpice, le séant appuyé sur les miséricordes sculptées d’êtres imaginaires tout droit sortis d’un bestiaire fantastique, l’enfeu du gisant de Vézian Valette et de son épouse Catherine Garnier invite au respect des fondateurs de ce lieu divin laissé à la postérité en héritage. Par une petite porte nous voici dans le vestibule où le mutisme des tonsurés parle à travers la «Tabula», un tableau marquant l’emploi du temps de chacun, une manière de communiquer sans blasphémer le Seigneur et un moyen d’appréhender les choses du siècle en respectant sa contrition spirituelle.
Le bruit du silence conduit dans la salle capitulaire, espace de liberté spatiale faisant écho à l’exiguïté des cellules de la clôture, centre à ses croisées d’ogives, du monde céleste où le prieur informe la communauté monastique des nouvelles terrestres du monde des vivants alentour, entorse autorisée au culte d’un silence érigé en règle de vie monacale sacrée.
Une porte en accolade conduit dans le grand cloître aux galeries de 64 mètres, en faisant le plus long ouvert à la visite en France, dont la perspective des arcades rythme la quête de la recherche permanente de la transcendance à travers la prière.
Quand éclate la Révolution, ne restaient plus que 9 religieux sur une capacité maximale de 17. La Chartreuse sera vendue comme bien national le 1er février 1792, ses bâtiments acquis par la municipalité pour y établir un hôpital-hospice, ce qui a permis de conserver pratiquement l’intégralité de l’ancien monastère.
La magnificence architecturale nous rapproche du Démiurge, Dieu architecte de l’univers, mais il faut maintenant délaisser ce monde des miséricordieux et retrouver les contingences matérielles de la civilisation du XXIe siècle, telle une apostasie après ce ravissement de l’âme par la contemplation.
En raison du contexte sanitaire il n’y a pas de visite guidée cette année.
Horaires d’ouverture : du mardi au dimanche de 10h30 à 12h30 et de 14h à 18h.

Éric Laschon, Le Villefranchois, en partenariat avec le Journal de Millau, le Bulletin d’Espalion et le Conseil départemental de l'Aveyron.

 

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