Le 24 mai 1935, un vieux paysan tue son gendre, sous les yeux de sa fille et des petits-enfants. Ce fait divers tragique inspira un peu plus tard un roman en son temps célèbre, publié au lendemain de la défaite de 1940. Un roman bien dans l’air de son temps…
Jean-Antoine Trigosse, le meurtrier, naît en 1858 au Viala, paroisse de Saint-Rémy, commune de Montpeyroux. Il est le onzième et dernier enfant d’un autre Jean-Antoine, qui meurt deux mois avant la naissance de son fils. D’un premier mariage avec Toinette Conquet, ce père avait eu quatre filles et un garçon, semble-t-il mort très jeune. Remarié avec Marie Austruy, il a alors un garçon qui meurt à neuf ans, puis quatre filles, et donc enfin à soixante-et-un ans, un garçon posthume, qui prend le prénom de son père. Et bientôt le sobriquet, l’escais, de Mestre Guilhem, qui accompagne les hommes de cette famille pendant deux siècles.
Selon le cadastre de 1842 (1) le Viala est un domaine d’environ sept hectares, ce qui n’est pas rien pour l’époque. Il a vu cohabiter pendant vingt ans deux frères, tous deux prénommés Jean-Antoine, l’aîné ayant été un brigand redouté vers 1810, resté sans enfant, et son cadet, qu’on imagine un peu écrasé par le tempérament violent de son frère (2). Jean-Antoine «le second» devient d’ailleurs un temps aubergiste à La Vitarelle, vers 1842. Cela ne lui réussit guère. Dès 1848, ses biens personnels, une maison au Viala et quelques parcelles sont saisies et vendues à la demande d’un créancier (3). Il y reste néanmoins, en location ou en fermage. Il disparaît en 1858, quelques années après son frère aîné. Une de ses filles, Marianne, et son mari Joseph Disse de Condom reprennent la ferme, mais ils disparaissent tous deux en 1876. Deux ans plus tard, une autre maison et l’essentiel de ce qui restait du domaine, probablement un temps possession de l’ex-brigand, sont saisis à leur tour et rachetés in extremis par un beau-frère du jeune Jean-Antoine, Pierre Roux d’Espalion, mari de sa sœur Marie-Henriette. Laquelle décède un an plus tard.
Jean-Antoine est donc élevé par sa mère, dans une maison qui ne leur appartient plus, sur un domaine réduit comme peau de chagrin. De ses sept sœurs ou demi-sœurs arrivées à l’âge adulte, on en a déjà vu mourir deux. Quatre autres vont suivre en quelques années. L’aînée, Marie-Jeanne, partie à Alger, qu’il n’a probablement jamais connue. Trois montées à Paris, à Clichy précisément, où elles mènent une vie de misère. Petits métiers, enfants naturels à répétition, le plus souvent morts dans l’enfance, veuvages précoces, toute la misère du monde. Rosalie meurt à cinquante-trois ans, Marie-Rose à...
La famille et les lieux
Jean-Antoine Trigosse, le meurtrier, naît en 1858 au Viala, paroisse de Saint-Rémy, commune de Montpeyroux. Il est le onzième et dernier enfant d’un autre Jean-Antoine, qui meurt deux mois avant la naissance de son fils. D’un premier mariage avec Toinette Conquet, ce père avait eu quatre filles et un garçon, semble-t-il mort très jeune. Remarié avec Marie Austruy, il a alors un garçon qui meurt à neuf ans, puis quatre filles, et donc enfin à soixante-et-un ans, un garçon posthume, qui prend le prénom de son père. Et bientôt le sobriquet, l’escais, de Mestre Guilhem, qui accompagne les hommes de cette famille pendant deux siècles.
Selon le cadastre de 1842 (1) le Viala est un domaine d’environ sept hectares, ce qui n’est pas rien pour l’époque. Il a vu cohabiter pendant vingt ans deux frères, tous deux prénommés Jean-Antoine, l’aîné ayant été un brigand redouté vers 1810, resté sans enfant, et son cadet, qu’on imagine un peu écrasé par le tempérament violent de son frère (2). Jean-Antoine «le second» devient d’ailleurs un temps aubergiste à La Vitarelle, vers 1842. Cela ne lui réussit guère. Dès 1848, ses biens personnels, une maison au Viala et quelques parcelles sont saisies et vendues à la demande d’un créancier (3). Il y reste néanmoins, en location ou en fermage. Il disparaît en 1858, quelques années après son frère aîné. Une de ses filles, Marianne, et son mari Joseph Disse de Condom reprennent la ferme, mais ils disparaissent tous deux en 1876. Deux ans plus tard, une autre maison et l’essentiel de ce qui restait du domaine, probablement un temps possession de l’ex-brigand, sont saisis à leur tour et rachetés in extremis par un beau-frère du jeune Jean-Antoine, Pierre Roux d’Espalion, mari de sa sœur Marie-Henriette. Laquelle décède un an plus tard.
Jean-Antoine est donc élevé par sa mère, dans une maison qui ne leur appartient plus, sur un domaine réduit comme peau de chagrin. De ses sept sœurs ou demi-sœurs arrivées à l’âge adulte, on en a déjà vu mourir deux. Quatre autres vont suivre en quelques années. L’aînée, Marie-Jeanne, partie à Alger, qu’il n’a probablement jamais connue. Trois montées à Paris, à Clichy précisément, où elles mènent une vie de misère. Petits métiers, enfants naturels à répétition, le plus souvent morts dans l’enfance, veuvages précoces, toute la misère du monde. Rosalie meurt à cinquante-trois ans, Marie-Rose à...
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