A l’extrémité ouest du département de l’Aveyron, un village médiéval fait l’admiration des visiteurs. Comptant au nombre des plus beaux villages de France, il fait également partie des "bastides et gorges de l’Aveyron" ayant obtenu le label "Grands Sites Occitanie Sud de France". Cette petite cité qui, au milieu du XIIIe siècle, abrita jusqu’à 4.000 âmes, a pour nom Najac.
Comme beaucoup d’autres villages du Sud-Ouest de la France, nous remarquerons la terminaison en "ac" de ce bourg qui n’est pas sans nous rappeler son origine celtique. En effet, "ac" provient du suffixe gallo-romain (mais de provenance strictement gauloise) "acum" qui est entré dans la formation de très nombreux toponymes. Ainsi que l’a rappelé Lucien Cavalié, auteur d’une monographie sur Figeac parue en 1914 : "…la dernière syllabe, ac, acum, dans la langue des celtes, était le synonyme du"Vicus", du"Villa"des Romains, du"Polis"des Grecs, ac signifiant ville, bourg, lieu habité, réunion d’hommes".
Najac, toute une histoire…
Cette définition faisant état des origines celtes se trouve, d’ailleurs, confirmée par la seule existence d’un village lotois situé à une trentaine de kilomètres de Najac : Lugagnac. Le nom de cette dernière commune a ceci de particulier qu’il contient, en plus du suffixe "ac", le mot "Lug" qui n’était autre qu’un célèbre dieu celte. Cette parenthèse refermée, revenons à Najac dont l’étymologie nous indique clairement que ce lieu était habité dès l’époque gauloise. Par contre, les vestiges de la grande civilisation celte se font rares à Najac, même si nous en trouvons quelques traces aux alentours et que nous sommes en droit de supposer que la colline servant d’assise au château ait accueilli un "lucus" (bois sacré pour les druides), voire quelque oppidum.
Cependant, il n’est pas dans nos intentions de rappeler, ici, le passé protohistorique de Najac, mais plutôt sa période médiévale qui a imprimé à jamais sa marque sur ce village si pittoresque.
De la période du haut Moyen Âge, dominée par les dynasties mérovingienne et carolingienne, Najac a sans doute conservé quelques pierres, formant la base des plus anciennes fortifications. Mais si ces mœllons sont difficilement identifiables, du moins avec certitude, il en va tout autrement de ces sarcophages vides, de facture mérovingienne, qui furent mis au jour aux abords de l’église de Najac ou à Mazerolles, hameau éloigné d’environ quatre kilomètres. A ce sujet, signalons que le dernier sarcophage sorti de terre a été déposé à côté du mur sud de l’église de Mazerolles (où il est toujours visible) après des travaux de terrassement réalisés le long de cet édifice en 1999. Un village fortifié (avec une ébauche de château) avait donc certainement pris place sur ce promontoire naturel, où partout le rocher (du schiste) affleure, en cette époque reculée. Il est, du reste, communément admis que Najac a vu le jour, au plus tard, vers le IXe siècle.
Avec l’avènement du Moyen Âge dit "central", Najac va prendre véritablement son essor. Néanmoins, cette cité verra son avenir s’assombrir avec l’édification d’une importante rivale : Villefranche-de-Rouergue.
Dans un premier temps, Najac se retrouve très tôt soumise au Comté de Toulouse après que Raymond IV (1042 – 1105) a vraisemblablement acheté cette seigneurie et, surtout, hérité, en 1065, des biens de sa cousine Berthe qui était comtesse de Rouergue. Ce qui n’empêche pas Najac de jouir d’une certaine indépendance (au vu de la distance la séparant de Toulouse) et les seigneurs locaux de prospérer. Dans les documents du tout début du XIIe siècle parvenus jusqu’à nous, apparaît un premier hobereau du nom de Pierre de "Naiag" dont un descendant, Gauzbert de Najac, sera cité dans des actes de 1152 et 1162. On trouve aussi un Guillaume de Najac qui, en 1170, donna sa fille Alixand en mariage à un certain Fortuné Valette, seigneur du Cuzoul et de Saint-Igne. Entre-temps, d’autres seigneurs de Najac, les Gauthier, sont réputés avoir vendu, vers 1100, la forteresse du lieu au comte de Toulouse Bertrand, le fils de Raymond IV. Ce dernier y aurait fait exécuter des travaux d’importance avant d’en confier l’administration à ceux-là même qui la lui avaient vendue.
Des Anglais aux Cathares et aux ravages de l’Inquisition
Nous restons au XIIe siècle pour découvrir que le mariage d’Aliénor d’Aquitaine avec Henri Plantagenêt, le futur roi d’Angleterre, eut une certaine incidence sur le sort de Najac. De fait, dans sa corbeille de mariage, Aliénor apportait à son époux une bonne partie du Rouergue qui revint donc à l’Angleterre lorsque Henri II monta sur le trône d’Albion. Et bien qu’il ne soit pas certain que la cité de Najac fut comprise dans le lot, cet acte constitua indéniablement un premier contact avec cette nation étrangère qui ne devait jamais oublier le bourg rouergat. Toutefois, Najac sortit de la zone d’influence anglaise après que le comte de Toulouse Raymond VI eut convolé en justes noces avec Jeanne, la fille du roi d’Angleterre Henri II, qui lui apporta le Rouergue en dot.
Mais ces quelques péripéties ne furent rien en comparaison de la formidable menace qui se faisait jour au nord. Depuis quelque temps déjà, le pouvoir royal et les seigneurs du nord convoitaient les richesses de l’Occitanie dont un esprit de tolérance et des cieux cléments avaient permis l’émergence d’une économie florissante. Or, le combat contre l’hérésie cathare, réclamé par le pape Innocent III, allait donner l’occasion aux croisés de s’emparer de ces riches contrées. Entre 1209 et 1213, l’armée des croisés va commettre des ravages et des massacres comme la région n’en avait encore jamais connus. En Rouergue, les exactions ne furent certes pas si nombreuses que dans le reste de l’Occitanie. Ce qui n’empêcha pas Simon de Montfort, chef militaire de la croisade, de s’emparer, à Najac, de biens tombés en commises.
Après ces heures sombres, vint le temps de la guerre de libération qui vit tomber Simon de Montfort (surnommé la buse pour ses instincts de rapace), en 1218, sous les murs de Toulouse. A ce moment précis, tout le pays reprit espoir. Raymond VI, accompagné de son fils, le futur Raymond VII, chevaucha à la tête de ses troupes, chassa partout l’envahisseur et parvint jusqu’à Najac, en 1219, où il accorda des châteaux aux seigneurs locaux.
La domination française s’abat sur Najac
Néanmoins, la paix retrouvée n’aura été que de courte durée, car voilà qu’en 1226, la région est à nouveau — et en grande partie — sous contrôle des Français, après la croisade royale conduite par Louis VIII. Cette même année 1226, Guilhem Bernard et Peire Gros, alors co-seigneurs de la baronnie de Najac, s’engagent solennellement, dans un acte de l’époque, à soutenir Raymond VII (Raymond VI étant décédé en 1222) dans sa lutte contre le roi de France. Malgré une résistance héroïque de la part du comte de Toulouse, celui-ci est contraint de se soumettre au pouvoir royal en 1229. Invité à se rendre à Meaux par Blanche de Castille, alors régente du Royaume de France pour son fils Louis IX (le futur Saint Louis), Raymond VII se voit présenter un traité beaucoup plus dur que celui qu’on lui avait préalablement proposé. Mais, entouré d’ennemis, il ne lui est guère possible de faire marche arrière. Après avoir monté les marches de Notre-Dame de Paris habillé en pénitent et subi une flagellation tout à fait dégradante, il signe l’infâme traité de Paris le 12 avril 1229. Aux termes de ce traité, Raymond VII abandonne à la couronne de France la moitié de ses territoires, ne conservant qu’une région correspondant à peu près aux actuels départements de la Haute-Garonne, de l’Aveyron, du Tarn-et-Garonne et du Tarn. Toutefois, il a été prévu qu’il perdrait aussi ces territoires puisqu’il se voit forcé de marier sa fille unique, Jeanne de Toulouse, à un des frères de Saint Louis : Alphonse de Poitiers. Or, après le décès de Raymond VII (ce dernier n’ayant aucun descendant mâle), le comté de Toulouse reviendra d’abord à Alphonse de Poitiers, puis au roi de France Philippe III le Hardi, faute d’héritiers directs issus du couple Alphonse-Jeanne. A ces clauses déjà difficilement supportables, s’ajoute l’obligation, pour Raymond VII, de démanteler de nombreuses fortifications, dont celles de Toulouse, de poursuivre les hérétiques cathares, d’indemniser l’Eglise et d’aller combattre en Terre Sainte pendant cinq ans.
Comme on peut l’imaginer, Raymond VII, en tant que chevalier occitan et digne successeur de son père, ne mettra que peu d’ardeur à pourchasser les Cathares. Et, avant de perdre ses dernières possessions, il s’emploiera à les consolider. C’est ainsi qu’il s’emparera de Millau et de Saint-Affrique et deviendra pratiquement le seul maître de Najac après avoir acquis, au mois de mai 1246, moyennant la somme de 20.000 sous de Cahors, tous les droits que Guilhem et Guiral de Cadolla possédaient sur cette petite ville. A noter qu’à cette même époque, la cité de Najac bénéficiait déjà de franchises municipales, accordées par les comtes de Toulouse, et était administrée par des consuls au nombre de sept. Et ce sont ces mêmes consuls qui, en 1243, s’engagèrent à respecter les clauses du traité de Lorris (1242) qui avaient obligé Raymond VII à remettre plusieurs places fortes, dont Najac, entre les mains du roi de France pendant une durée de cinq ans. Ainsi, en 1247, le château de Najac fut rendu au comte, après que tout l’armement en eût été retiré et transporté jusqu’à Carcassonne.
Puis, vint la date fatidique du 27 septembre 1249 qui vit le dernier véritable comte de Toulouse, Raymond VII (de la lignée des "Saint-Gilles"), décéder en la ville de Millau. Dans tout le midi de la France, le peuple pleura ce comte valeureux, voyant venir, non sans appréhension, le temps de la domination française. Najac ne fit pas exception à la règle et ainsi que le rappela Guilhem Bernat, un des seigneurs de Najac : "Deux cents seigneurs chevaliers, consuls et prudhommes ainsi que les hommes du Faubourg de Najac pleurent sur la place en disant : nous sommes tous morts car le Seigneur Comte est mort".
À suivre...
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