La thermorégulation
Si la plupart des vertébrés dits supérieurs sont homéothermes et conservent une température intérieure constante, il en est tout autrement pour nos poissons d’eau douce qui sont des organismes dits poïkilothermes. Ce terme signifie qu’ils ne maîtrisent pas la constance de leur température, laquelle s’égalise avec celle de l’eau. Cela diminue leur activité lors des périodes froides en ralentissant leur métabolisme, mais en contrepartie contribue à économiser leur énergie.
Toutefois, l’amplitude des variations supportables varie d’une espèce à l’autre.
Les variations saisonnières
Au cours de l’année, les variations naturelles : température et taux d’oxygène dissous qui surviennent dans les lacs de nos régions tempérées, obligent les poissons à s’adapter et à effectuer des déplacements saisonniers, pour occuper les zones qui satisferont au mieux leurs besoins vitaux.
Pour mieux cerner ces changements, il est intéressant de savoir comment, au fil des saisons, évolue le régime thermique dans les lacs, car c’est en grande partie celui-ci qui régit l’activité des organismes aquatiques et entre autres celle des poissons.
La stratification thermique
C’est un phénomène physique naturel : l’eau est plus légère lorsqu’elle est réchauffée et plus lourde lorsqu’elle est refroidie, mais elle possède une propriété très particulière, elle atteint sa densité maximale à 4°C. C’est donc à ce stade-là qu’elle est la plus lourde car, en dessous de 4°C, elle s’allège à nouveau. Comme chacun sait, la glace flotte (pensons à l’image des glaçons dans un verre d’eau).
Ces différences de densités saisonnières conditionnent les couches thermiques et par voie de conséquence les mouvements des organismes aquatiques dans un gradient vertical, par exemple ceux des poissons qui nous intéressent.
Dans la plupart des lacs, il est possible en été de distinguer 3 couches thermiques : une couche de surface (l’épilimnion) constituée d’eau plus chaude, donc plus légère, brassée par le vent qui alimente son taux d’oxygène ; une couche intermédiaire (la thermocline) ou la température décroît rapidement de 1 à 2°C par mètre ; puis, une couche profonde (l’hypolimnion), pauvre en oxygène et peu éclairée.
En fonction des variations de ces paramètres, voici globalement comment s’établis-sent les mouvements des poissons au fil des saisons.
Au début du Printemps
Le soleil réchauffe les eaux de surface, lesquelles, brassées par le vent, se chargent en oxygène ; les poissons tendent alors à remonter vers les zones peu profondes.
Lorsque l’eau de surface atteint 4°, elle est alors à sa densité maximum et coule en exerçant une pression qui fait remonter les eaux de fond, ce qui provoque une circulation complète et un mixage qui uniformisent la température et le taux d’oxygène dans toute la masse d’eau. C’est l’inversion thermique de printemps et les poissons peuvent alors se répartir n’importe où puisqu’ils y trouvent les même conditions — du moins thermiques.
À la fin du Printemps, début de l’été
L’eau de surface bien réchauffée, donc plus légère, se sépare progressivement de l’eau de fond plus froide, donc plus lourde. Entre les deux, se forment les strates de la thermocline où la température décroît rapi-dement (environ 1°C par mètre). Les poissons, suivant leurs exigences spécifiques, choisissent la couche qui convient le mieux à leur métabolisme, c’est la couche de confort propre à chaque espèce.
L’été
L’eau de surface bien que chaude contient suffisamment d’oxygène grâce au brassage du vent — la convection —, contrairement à la couche de fond qui, elle, devenue stagnante, a vu son taux d’oxygène diminuer. Les espèces de poissons à préférence d’eau froide sont contraintes à remonter même si la température de l’eau des couches supérieures leur est moins favorable.
L’automne
Avec les nuits de plus en plus fraîches, la température entre les eaux de surface et la thermocline tend à s’égaliser. L’hypolimnion toujours stagnant reste pauvre en oxygène. Les poissons pour la plupart restent donc encore dans des profondeurs relativement faibles et suffisamment oxygénées.
Avec les premières gelées, la température de l’eau s’abaisse, jusqu’à ce que la couche de surface atteigne 4° et commence à couler, la thermocline s’estompe et disparaît, l’eau est partout à la même température, la convection mélange les couches ; c’est, cette fois-ci, l’inversion thermique d’automne. Les poissons se répartissent à nouveau un peu partout.
Un phénomène concomitant
Lorsque la couche de surface devient la plus dense et se met à couler, elle entraîne les particules vers le fond, ce qui explique que plus on avance dans la saison froide, plus l’eau devient claire jusqu’à devenir transparente. Parfois en hiver — en dehors des épisodes de fortes pluies sur le bassin d’alimentation —, on peut distinguer son leurre jusqu’à 4 ou 5 mètres de profondeur, ce qui n’est pas toujours le cas en été où l’eau des lacs, chargée en phytoplancton et autres particules, peut être plus ou moins turbide (techniquement en période hivernale, cette transparence de l’eau devrait nous amener à pêcher plus fin pour déjouer la méfiance des poissons).
Fin de l’automne, début de l’hiver
L’eau de surface s’abaisse en dessous de 4° et gèle parfois. À cette température, elle s’allège et reste au-dessus de la couche de fond sensiblement plus chaude. Les poissons, jusqu’à l’arrivée du printemps, vont s’installer dans cette eau de fond maintenant un peu moins froide que l’eau de surface, donc plus confortable pour eux.
Ils auront également tendance à se regrouper en bancs compacts qui n’occuperont que certains secteurs du lac, de grandes étendues restant à cette période complètement désertes.
C’est le moment des pêches ciblées profondes dites "à gratter" ou en verticale lente, car les poissons à cette période sont plutôt léthargiques. Bien sûr, d’autres paramètres peuvent interférer et avoir une influence très importante dans ces changements, suivant la spécificité de chaque lac.
Par exemple, il y a des différences entre les lacs naturels et les lacs artificiels selon leurs modes d’alimentation : grosse rivière, source(s), complexe de conduits artificiels ou bassins de barrages successifs, fréquence et amplitude des marnages (montées et descentes des eaux) provoquées par les unités hydroélectriques, etc. La profondeur, la turbidité et l’exposition aux vents jouent également un rôle.
C’est donc à nous pêcheurs, en fonction des caractéristiques des plans d’eau où nous pratiquons habituellement, d’analyser cet ensemble de composantes afin d’être mieux à même de localiser les poissons au fil des saisons. Car pour réussir la pêche, la technique ne fait pas tout : "Il faut surtout être au bon endroit au bon moment".
Bonne pêche d’automne-hiver à toutes et à tous !
Dans une rubrique ultérieure nous verrons que d’autres facteurs entrent en jeu dans le déplacement des espèces de poissons.
Jack Tarragnat
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