Le créateur sévéragais Pascal Croci était en dédicace à la librairie "Des Livres et des Arts" de Rodez le samedi 30 octobre, soit dix jours après la sortie de son nouveau roman graphique, une bande dessinée de plus de 900 pages qui aura réclamé cinq années d’un travail rigoureux sur l’anorexie, étayé par la compétence de Johannes Nicolas, à l’origine d’un dossier sur le sujet.
Au départ du projet, plusieurs phénomènes. "Mon amoureuse était anorexique. A Sévérac-d’Aveyron où je réside, une désespérée s’est jetée d’une falaise. Puis j’ai rencontré une femme d’une extrême maigreur. C’était dans l’est de la France où j’étais en dédicace. Elle s’est longuement confiée et m’a parlé de ses séjours à l’hôpital, de sa relation avec ses parents, etc. J’ai insisté pour qu’elle me fasse la promesse de ne pas se suicider. El le souhaitait entretenir une correspondance épistolaire – ce que nous avons fait pendant plusieurs années. J’ai fini par lui demander si je pouvais faire usage de ses lettres, car pour réaliser ce livre – comme pour tous mes ouvrages – j’avais besoin de réalisme. Elle m’a donné son autorisation une fois guérie, même si l’on ne sort jamais indemne de ce fléau…".
"Notre gâchis"
Au fil de cet ouvrage-fleuve dont le récit se déploie uniquement en fine page de droite pour ne pas interférer avec la page de gauche systématiquement blanche, le lecteur est placé dans la situation d’un psy. C’est lui qui analyse le cas d’Emma, une patiente imaginaire qui cristallise à elle seule de nombreux témoignages – tel celui de Valérie Valère qui a décrit mieux que personne le milieu hospitalier.
Avec ce roman graphique plein d’empathie, Pascal Croci renoue avec ses thèmes de prédilection : la violence faite au corps, le vampirisme, la mort, la sexualité. Face à "l’egosystème" dont il parle à l’aune de cette plaie purulente des temps modernes, l’auteur résume ainsi sa pensée : "Sont-elles à l’image des recluses, de nouvelles religieuses, blotties, enfermées dans leur couvent, leur esprit ? Elles ne supportent pas le gaspillage, elles sont incapables, dans une boutique, de faire un choix parmi tous ces produits proposés. Révoltées, face à cet engorgement de l’opulence, elles vomissent notre gâchis. Elles sonnent la cloche, l’alarme d’un trop-plein de consommation dans no s sociétés modernes dites favorisées…".
Une BD sur Hitler
Pascal Croci nous a confié son prochain projet (déjà bouclé), à paraître aux éditions Paquet : un album sur Hitler, inspiré notamment des témoignages de femmes d’officiers SS attirées par le führer. Encore une bande dessinée hors norme dans laquelle, par goût des opposés, il superpose l’amour aux camps de l’horreur nazie. "Le futur dictateur avait été refusé à deux reprises aux Beaux-Arts de Vienne, en Autriche. Je peux comprendre la frustration de l’artiste…".
A l’origine de ce projet, un simple article scientifique qui explique en quoi l’amour peut faire sens dans les pires atrocités. "Avec Hitler en première page, je flouterai la couverture pour n’avoir pas à m’exposer aux risques encourus par les caricaturistes aujourd’hui. Je ne veux pas que l’on croie qu’il s’agit d’une œuvre de propagande. Je veux surtout faire naître la question de savoir si le devoir de mémoire, mille fois recommencé, sert encore à quelque chose…".
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.