En ce printemps 1892, Emma Calvé est de retour à l’Opéra-Comique, ce qui permet à Léon Carvalho de remettre à l’affiche
Cavalleria rusticana et de remplir, ainsi, les caisses du théâtre.
La renommée d’Emma dans le rôle de Santuzza est telle que celle-ci a traversé la Manche pour parvenir jusqu’aux oreilles de Sir Augustus Harris, le directeur du Royal Opera de Covent Garden. Désireux de monter l’opéra de Mascagni à Londres, Harris a fait spécialement le voyage jusqu’à Paris afin d’entendre la grande vedette de l’Opéra-Comique. Tout de suite conquis par ce rossignol hors du commun, Harris propose à Emma de venir chanter à Covent Garden. Elle y donnera d’abord quelques concerts durant la deuxième quinzaine du mois de mai, puis y interprètera Santuzza pendant tout le mois de juin et une partie du mois de juillet.
Afin de décider Emma à franchir le «Channel», Harris lui propose 10.000 francs d’appointements mensuels auxquels s’ajouteront 1.500 francs par représentation supplémentaire. Ne pouvant décliner une telle offre, Emma s’embarque pour l’Angleterre où elle a, une nouvelle fois, rendez-vous avec le succès. Mieux, la reine Victoria, en personne, a entendu parler du triomphe d’Emma dans Cavalleria rusticana et souhaite bénéficier d’une représentation privée au château de Windsor ! En plus de quelques extraits de l’opéra de Pietro Mascagni, Emma se permettra de chanter quelques airs traditionnels bien de chez nous. La reine est conquise, au point d’inviter Emma à passer la nuit au palais, immense privilège qui constitue, en même temps, un fait unique. Emma sera, en effet, la seule artiste étrangère à bénéficier d’un tel traitement de faveur. En outre, la reine lui offre un petit portrait d’elle la représentant à l’âge de cinq ans. Peut-on parler d’amitié naissante entre ces deux grandes figures de leur temps ? Très certainement, surtout lorsque l’on sait qu’Emma sera dorénavant invitée, chaque année, à Windsor, jusqu’au décès de la reine. Mais revenons à cet été 1892 qui sera décidément très riche pour Emma.
Une fois la saison achevée à Covent Garden, Emma se prépare à jouer le rôle de sa vie : celui de Carmen, le personnage principal de l’opéra éponyme (de Georges Bizet). A cette fin, elle décide de se rendre en Espagne, accompagnée de sa mère, afin de recueillir une multitude d’informations qui lui serviront à façonner son personnage de Carmen. Au programme de ses visites : Madrid et le musée du Prado, Grenade et le palais de l’Alhambra, et bien d’autres sites encore. Mais, surtout, Emma veut rencontrer les gitans d’Andalousie et assister aux danses de leurs femmes qui manient éventails et castagnettes dans des flamencos pour le moins torrides. Pour incarner la cigarière de Séville, Emma s’inspirera aussi bien de la tenue vestimentaire des gitanes que de leurs pas de danse. Elle s’efforcera aussi de donner à son personnage leur caractère distinctif, allant parfois jusqu’à l’indomptabilité, comme elle le reconnaît dans son ouvrage «Sous tous les ciels j’ai chanté» : «Je les grave en ma fidèle mémoire, pour tâcher de les imiter. Se souvenir surtout qu’une bohémienne n’est jamais commune, ni dans la démarche, ni dans ses gestes, et qu’elle conserve toujours la fierté de sa race, vieille comme le monde !» De retour à Paris, la nouvelle Carmen est sur le point d’éclipser toutes celles qui l’ont précédée. La première, à l’Opéra-Comique, a lieu le 15 décembre 1892. Désireuse d’assister à cet événement, la grande Sarah Bernhardt a pris place dans la salle et saura apprécier, à sa juste valeur, la prestation de notre cantatrice rouergate, au point de lui faire envoyer un bouquet de fleurs accompagné de ces quelques mots : «A vous, admirable Carmen, tout mon cœur d’artiste ; à vous, adorable Calvé, toute mon affection». A la fin du spectacle, le public exulte, provoquant des rappels qui semblent ne jamais devoir se terminer. L’héroïne de la soirée est, bien entendu, Emma Calvé qui recueille les félicitations les plus dithyrambiques, à l’instar de celles qui lui ont été laissées par Benoît Coquelin, l’un des comédiens les plus célèbres de son temps : «Carmen, car vous êtes Carmen, la vraie, celle de Mérimée et celle de Bizet, qui, pour être son second père, ne l’a pas moins créée. Hier soir, vous vous êtes montrée tour à tour enchanteresse, farouche, inconsciente, exquise, originale, folle de vie amoureuse. Votre succès ira grandissant, effacera tous les souvenirs. Vous avez été belle, parfaite. Croyez à la sincérité de votre vieil ami Coquelin».
En 1893, Emma est de nouveau présente à Londres pour la saison au Covent Garden. En ce lieu, elle y fait la connaissance de Maurice Grau, un imprésario qui recrute des artistes lyriques de talent pour le Metropolitan Opera de New York (plus simplement connu sous le nom de «Met»). Grau, en digne homme d’affaires américain qui ne lésine pas sur les moyens, propose à Emma la somme astronomique de 300.000 francs pour une tournée aux Etats-Unis. Peu tentée par un si long voyage (il faut compter dix jours pour traverser l’océan Atlantique en bateau) et déjà engagée auprès de l’Opéra de Paris qui lui déroule désormais le tapis rouge, Emma refuse dans un premier temps.
Mais ce refus n’est pas fait pour arrêter Grau qui revient à la charge avec, ce coup-ci, 400.000 francs, tout en promettant de payer le dédit de 72.000 francs à l’Opéra de Paris. Cette fois, Emma est obligée de céder et la voilà engagée pour une tournée qui commencera à New York (au mois de novembre 1893) et passera par de grandes villes du continent nord-américain, telles que Boston, Chicago ou Albany, pour se terminer dans la «Big Apple» (au mois d’avril 1894). Pour une fois, Léonie, trop âgée, n’accompagnera pas sa fille, mais le petit frère d’Emma, jeune officier de marine, est présent sur le quai d’embarquement, au port du Havre, pour embrasser sa sœur avant son long périple. La traversée, agitée par des flots en furie, sera loin d’être de tout repos. Et, comme si cela ne suffisait pas, Emma se trouve confrontée, avant de débarquer, aux tracasseries de l’administration américaine qui lui demande de remplir un questionnaire pour le moins indiscret et lui impose l’incontournable visite médicale. Quant aux journalistes qui l’attendent, ceux-ci n’ont absolument rien des bonnes manières de ceux du vieux continent, assommant l’interviewée de questions sans attendre ses réponses. Mais laissons Emma nous raconter cette première rencontre avec les reporters américains : «Ce matin, à peine à quai, le bateau a été envahi par les amis, les parents des voyageurs, et une nuée de journalistes. Dix d’entre eux m’accostent à la fois :
— Que pensez-vous des Américains ?
— Mais, messieurs, je n’ai encore vu que la magnifique statue de la Liberté dans le port.
— Qu’allez-vous nous chanter ? On vous dit Espagnole.
— Non, je suis Française.
— Que pensez-vous de notre Président, de nos institutions, de notre philosophe Emerson ? Aimez-vous la politique de M. Gladstone ? Aimez-vous les chiens, les chats ?
J’ai pris le parti de rire et de répondre avec enjouement.
Pendant ce temps, on me photographie et un dessinateur fait ma caricature ! M’étant approchée pour la regarder, j’ai vu un visage si monstrueux, un tel parti pris de »faire laid« que, saisissant le dessin, je l’ai vivement déchiré en déclarant tranquillement :
— Je respecte et j’aime bien trop ma mère pour permettre qu’on défigure ainsi l’image de sa fille.
Et, moqueuse, j’ai salué le dessinateur ahuri».
Vint ensuite le passage aux Douanes qui fit perdre à Emma deux bonnes heures à sortir ses robes des malles. Mais cette arrivée éreintante fut bien vite oubliée quand arriva la première de Cavalleria rusticana à New York. Le public américain fut tout aussi conquis que celui d’Europe par la prestation d’Emma. Même la presse états-unienne ne tarit pas d’éloges pour la diva rouergate, comme en atteste cet extrait du New York Times en date du 20 novembre 1893 : «Mademoiselle Calvé est un soprano dramatique de premier ordre. Il y a longtemps que les amateurs d’opéra n’avaient pas eu le plaisir de voir et entendre une artiste d’un talent aussi fort. C’est dans son aptitude à restituer le caractère d’un personnage et à en exprimer les sentiments que Calvé est la plus remarquable. Son jeu est inhabituel sur une scène d’opéra. Aussi bien dans son allure que dans ses gestes et dans les expressions de son visage, elle est éloquente et prodigieusement douée pour faire passer les émotions dans son chant, n’hésitant pas, s’il le faut, à sacrifier la beauté du son au profit de l’expression dramatique à transmettre». Le 20 décembre suivant, Emma déchaînera les passions en interprétant, pour la première fois au «Met», son rôle fétiche de Carmen. Lors d’une représentation du célèbre opéra de Bizet — au mois de février 1894 — à laquelle étaient venus assister de nombreux étudiants de l’université de Columbia, l’enthousiasme fut tel (à l’origine de plus de vingt rappels) que les machinistes durent calmer l’ardeur de ces jeunes gens en les arrosant copieusement à l’aide d’une lance à incendie ! Mais loin de se décourager, une centaine d’entre eux attendaient encore Emma à la sortie de la salle d’opéra pour escorter sa voiture qu’ils suivirent en psalmodiant les lettres de son nom : C, a, l, v, é – Calvé, vé, vé, vé, vé ! Calvé, vé, vé, vé, vé ! Hurrah ! Pour se débarrasser de ses admirateurs, Emma n’eut d’autre choix que celui de leur jeter toutes les fleurs de ses bouquets qui avaient été disposés dans son fiacre, fleurs que ces enragés se disputèrent, n’hésitant pas à se battre pour les ramasser ! Ainsi commençait pour Emma la conquête de l’Amérique…
À suivre…
La renommée d’Emma dans le rôle de Santuzza est telle que celle-ci a traversé la Manche pour parvenir jusqu’aux oreilles de Sir Augustus Harris, le directeur du Royal Opera de Covent Garden. Désireux de monter l’opéra de Mascagni à Londres, Harris a fait spécialement le voyage jusqu’à Paris afin d’entendre la grande vedette de l’Opéra-Comique. Tout de suite conquis par ce rossignol hors du commun, Harris propose à Emma de venir chanter à Covent Garden. Elle y donnera d’abord quelques concerts durant la deuxième quinzaine du mois de mai, puis y interprètera Santuzza pendant tout le mois de juin et une partie du mois de juillet.
Emma à Windsor
Afin de décider Emma à franchir le «Channel», Harris lui propose 10.000 francs d’appointements mensuels auxquels s’ajouteront 1.500 francs par représentation supplémentaire. Ne pouvant décliner une telle offre, Emma s’embarque pour l’Angleterre où elle a, une nouvelle fois, rendez-vous avec le succès. Mieux, la reine Victoria, en personne, a entendu parler du triomphe d’Emma dans Cavalleria rusticana et souhaite bénéficier d’une représentation privée au château de Windsor ! En plus de quelques extraits de l’opéra de Pietro Mascagni, Emma se permettra de chanter quelques airs traditionnels bien de chez nous. La reine est conquise, au point d’inviter Emma à passer la nuit au palais, immense privilège qui constitue, en même temps, un fait unique. Emma sera, en effet, la seule artiste étrangère à bénéficier d’un tel traitement de faveur. En outre, la reine lui offre un petit portrait d’elle la représentant à l’âge de cinq ans. Peut-on parler d’amitié naissante entre ces deux grandes figures de leur temps ? Très certainement, surtout lorsque l’on sait qu’Emma sera dorénavant invitée, chaque année, à Windsor, jusqu’au décès de la reine. Mais revenons à cet été 1892 qui sera décidément très riche pour Emma.
La diva incarne Carmen
Une fois la saison achevée à Covent Garden, Emma se prépare à jouer le rôle de sa vie : celui de Carmen, le personnage principal de l’opéra éponyme (de Georges Bizet). A cette fin, elle décide de se rendre en Espagne, accompagnée de sa mère, afin de recueillir une multitude d’informations qui lui serviront à façonner son personnage de Carmen. Au programme de ses visites : Madrid et le musée du Prado, Grenade et le palais de l’Alhambra, et bien d’autres sites encore. Mais, surtout, Emma veut rencontrer les gitans d’Andalousie et assister aux danses de leurs femmes qui manient éventails et castagnettes dans des flamencos pour le moins torrides. Pour incarner la cigarière de Séville, Emma s’inspirera aussi bien de la tenue vestimentaire des gitanes que de leurs pas de danse. Elle s’efforcera aussi de donner à son personnage leur caractère distinctif, allant parfois jusqu’à l’indomptabilité, comme elle le reconnaît dans son ouvrage «Sous tous les ciels j’ai chanté» : «Je les grave en ma fidèle mémoire, pour tâcher de les imiter. Se souvenir surtout qu’une bohémienne n’est jamais commune, ni dans la démarche, ni dans ses gestes, et qu’elle conserve toujours la fierté de sa race, vieille comme le monde !» De retour à Paris, la nouvelle Carmen est sur le point d’éclipser toutes celles qui l’ont précédée. La première, à l’Opéra-Comique, a lieu le 15 décembre 1892. Désireuse d’assister à cet événement, la grande Sarah Bernhardt a pris place dans la salle et saura apprécier, à sa juste valeur, la prestation de notre cantatrice rouergate, au point de lui faire envoyer un bouquet de fleurs accompagné de ces quelques mots : «A vous, admirable Carmen, tout mon cœur d’artiste ; à vous, adorable Calvé, toute mon affection». A la fin du spectacle, le public exulte, provoquant des rappels qui semblent ne jamais devoir se terminer. L’héroïne de la soirée est, bien entendu, Emma Calvé qui recueille les félicitations les plus dithyrambiques, à l’instar de celles qui lui ont été laissées par Benoît Coquelin, l’un des comédiens les plus célèbres de son temps : «Carmen, car vous êtes Carmen, la vraie, celle de Mérimée et celle de Bizet, qui, pour être son second père, ne l’a pas moins créée. Hier soir, vous vous êtes montrée tour à tour enchanteresse, farouche, inconsciente, exquise, originale, folle de vie amoureuse. Votre succès ira grandissant, effacera tous les souvenirs. Vous avez été belle, parfaite. Croyez à la sincérité de votre vieil ami Coquelin».
En 1893, Emma est de nouveau présente à Londres pour la saison au Covent Garden. En ce lieu, elle y fait la connaissance de Maurice Grau, un imprésario qui recrute des artistes lyriques de talent pour le Metropolitan Opera de New York (plus simplement connu sous le nom de «Met»). Grau, en digne homme d’affaires américain qui ne lésine pas sur les moyens, propose à Emma la somme astronomique de 300.000 francs pour une tournée aux Etats-Unis. Peu tentée par un si long voyage (il faut compter dix jours pour traverser l’océan Atlantique en bateau) et déjà engagée auprès de l’Opéra de Paris qui lui déroule désormais le tapis rouge, Emma refuse dans un premier temps.
Emma Calvé conquiert l’Amérique
Mais ce refus n’est pas fait pour arrêter Grau qui revient à la charge avec, ce coup-ci, 400.000 francs, tout en promettant de payer le dédit de 72.000 francs à l’Opéra de Paris. Cette fois, Emma est obligée de céder et la voilà engagée pour une tournée qui commencera à New York (au mois de novembre 1893) et passera par de grandes villes du continent nord-américain, telles que Boston, Chicago ou Albany, pour se terminer dans la «Big Apple» (au mois d’avril 1894). Pour une fois, Léonie, trop âgée, n’accompagnera pas sa fille, mais le petit frère d’Emma, jeune officier de marine, est présent sur le quai d’embarquement, au port du Havre, pour embrasser sa sœur avant son long périple. La traversée, agitée par des flots en furie, sera loin d’être de tout repos. Et, comme si cela ne suffisait pas, Emma se trouve confrontée, avant de débarquer, aux tracasseries de l’administration américaine qui lui demande de remplir un questionnaire pour le moins indiscret et lui impose l’incontournable visite médicale. Quant aux journalistes qui l’attendent, ceux-ci n’ont absolument rien des bonnes manières de ceux du vieux continent, assommant l’interviewée de questions sans attendre ses réponses. Mais laissons Emma nous raconter cette première rencontre avec les reporters américains : «Ce matin, à peine à quai, le bateau a été envahi par les amis, les parents des voyageurs, et une nuée de journalistes. Dix d’entre eux m’accostent à la fois :
— Que pensez-vous des Américains ?
— Mais, messieurs, je n’ai encore vu que la magnifique statue de la Liberté dans le port.
— Qu’allez-vous nous chanter ? On vous dit Espagnole.
— Non, je suis Française.
— Que pensez-vous de notre Président, de nos institutions, de notre philosophe Emerson ? Aimez-vous la politique de M. Gladstone ? Aimez-vous les chiens, les chats ?
J’ai pris le parti de rire et de répondre avec enjouement.
Pendant ce temps, on me photographie et un dessinateur fait ma caricature ! M’étant approchée pour la regarder, j’ai vu un visage si monstrueux, un tel parti pris de »faire laid« que, saisissant le dessin, je l’ai vivement déchiré en déclarant tranquillement :
— Je respecte et j’aime bien trop ma mère pour permettre qu’on défigure ainsi l’image de sa fille.
Et, moqueuse, j’ai salué le dessinateur ahuri».
Vint ensuite le passage aux Douanes qui fit perdre à Emma deux bonnes heures à sortir ses robes des malles. Mais cette arrivée éreintante fut bien vite oubliée quand arriva la première de Cavalleria rusticana à New York. Le public américain fut tout aussi conquis que celui d’Europe par la prestation d’Emma. Même la presse états-unienne ne tarit pas d’éloges pour la diva rouergate, comme en atteste cet extrait du New York Times en date du 20 novembre 1893 : «Mademoiselle Calvé est un soprano dramatique de premier ordre. Il y a longtemps que les amateurs d’opéra n’avaient pas eu le plaisir de voir et entendre une artiste d’un talent aussi fort. C’est dans son aptitude à restituer le caractère d’un personnage et à en exprimer les sentiments que Calvé est la plus remarquable. Son jeu est inhabituel sur une scène d’opéra. Aussi bien dans son allure que dans ses gestes et dans les expressions de son visage, elle est éloquente et prodigieusement douée pour faire passer les émotions dans son chant, n’hésitant pas, s’il le faut, à sacrifier la beauté du son au profit de l’expression dramatique à transmettre». Le 20 décembre suivant, Emma déchaînera les passions en interprétant, pour la première fois au «Met», son rôle fétiche de Carmen. Lors d’une représentation du célèbre opéra de Bizet — au mois de février 1894 — à laquelle étaient venus assister de nombreux étudiants de l’université de Columbia, l’enthousiasme fut tel (à l’origine de plus de vingt rappels) que les machinistes durent calmer l’ardeur de ces jeunes gens en les arrosant copieusement à l’aide d’une lance à incendie ! Mais loin de se décourager, une centaine d’entre eux attendaient encore Emma à la sortie de la salle d’opéra pour escorter sa voiture qu’ils suivirent en psalmodiant les lettres de son nom : C, a, l, v, é – Calvé, vé, vé, vé, vé ! Calvé, vé, vé, vé, vé ! Hurrah ! Pour se débarrasser de ses admirateurs, Emma n’eut d’autre choix que celui de leur jeter toutes les fleurs de ses bouquets qui avaient été disposés dans son fiacre, fleurs que ces enragés se disputèrent, n’hésitant pas à se battre pour les ramasser ! Ainsi commençait pour Emma la conquête de l’Amérique…
À suivre…
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