Une fois parvenues à la «grande ville», Emma et sa mère ont une première préoccupation : celle de trouver un logement. Heureusement, celui-ci sera rapidement déniché sous la forme d’un deux pièces cuisine. Mais il faut également assurer la subsistance de la famille, surtout qu’il semblerait que Justin ait rapidement coupé les vivres après avoir appris la folle escapade de sa femme. Léonie, loin de se laisser abattre, va montrer une volonté hors du commun pour nourrir ses deux enfants.
Sans doute peut-elle aussi bénéficier de la proverbiale solidarité aveyronnaise. En effet, depuis 1850, beaucoup d’Aveyronnais ont immigré à Paris — où ils tiennent bien souvent des commerces de bois et charbons associés à des brasseries — et forment désormais une communauté très soudée. Nous nous souvenons, d’ailleurs, d’une époque pas si lointaine où il suffisait de faire état de son origine aveyronnaise (gage pour un employeur d’avoir affaire à un travailleur infatigable) pour être aussitôt engagé dans un café parisien. Toujours est-il que Léonie, exerçant maintenant la profession de lingère à domicile, a trouvé suffisamment de clients pour nourrir son petit monde. Cependant, ce n’est pas pour trouver du travail que la mère d’Emma est montée à Paris, mais pour favoriser la carrière artistique de sa fille. A cet effet, il convient, tout d’abord, de lui trouver un professeur de chant qui saura transformer cette petite alouette des champs en un admirable rossignol.
Le choix de Léonie et d’Emma se porte alors sur Jules Puget, un ancien ténor de l’Opéra-Comique dont les cours ont grande réputation. Toutefois, ces mêmes cours ont un coût que ne peut supporter une simple lingère. Aussi, Léonie a-t-elle l’idée de lui proposer le marché suivant : Puget formera sa jeune élève à crédit, étant entendu qu’Emma ne commencera à s’acquitter du montant de ses leçons que lorsqu’elle percevra ses premiers cachets (le prix des cours sera alors prélevé sur les sommes perçues par Emma pendant ses deux premières années théâtrales). Pour que Puget accepte un tel contrat, il faut qu’il ait une totale confiance en l’avenir de son élève, et donc en son talent naturel. Jules Puget va s’avérer être un excellent professeur, apprenant à Emma à poser sa voix et à contrôler son souffle (pour le maître : «pas de souffle, pas de chant»). Emma devra également intégrer tout ce qui fait la valeur d’une cantatrice, soit le courage, l’endurance, la patience et l’humilité. Au cours des deux années que durera l’apprentissage d’Emma, Jules Puget lui demandera d’acquérir un minimum de culture générale qui, selon lui, est indispensable pour aborder l’étude d’un rôle. Emma se pliera bien volontiers à cet ordre impérieux, comme en témoigne cet extrait de ses Mémoires publiés sous le titre «Sous tous les ciels j’ai chanté» : «Élevée dans un couvent de province d’où je sortis à l’âge de quinze ans sans avoir pu terminer mes études, j’étais ignorante comme une carpe. Mais j’avais le désir fou de m’instruire. Je parcourais les musées, pleurant de mon incompréhension devant un beau tableau, ou lorsque je lisais des ouvrages trop savants. Je ne connaissais personne pour m’éclairer, hélas ! Mon maître avait mis sa bibliothèque à ma disposition. Je dévorais Chateaubriand, Balzac, Musset, Lamartine que je lisais bien avant dans la nuit, à la lueur d’une bougie, baignant mes pieds dans l’eau froide durant des heures, afin de ne pas me laisser gagner par le sommeil». Pour Puget, travailler sur la voix est une chose, mais incarner un personnage en est une autre. Pour reprendre les mots du maître adressés, un jour, à Emma : «On doit savoir quelle Marguerite tu chantes — Berlioz ou Gounod — rien qu’à te voir entrer en scène». C’est pour cette raison qu’il demandera à Emma d’étudier les œuvres littéraires dont sont parfois issus les rôles qu’elle doit interpréter. Voilà un judicieux conseil qu’Emma n’oubliera jamais, allant même jusqu’à s’imprégner de l’atmosphère des pays — et des milieux — d’où sont tirés ces personnages. Ce souci du détail l’habitera tout au long de sa carrière, lui permettant d’incarner véritablement toutes ces héroïnes auxquelles elle donnera vie ; car Emma est plus qu’une cantatrice, c’est aussi une comédienne, ou plutôt une tragédienne, de talent qui révolutionnera l’art lyrique.
En attendant, il lui faut se débarrasser de cet accent rocailleux du Rouergue qui risque de lui porter préjudice. C’est chose faite au bout de six mois seulement, ce qui fera dire à l’une de ses condisciples du cours Puget : «L’Auvergnate (sic) se parisianise». Dès le début, Emma s’est dépensée sans compter pour réussir. Mais cette débauche d’énergie commence à affecter sa santé qui est pourtant solide. Le problème est qu’elle ne mange pas à sa faim, même si son petit frère a pris l’habitude de lui proposer son morceau de pain. Ce n’est pas que Léonie affame ses enfants, mais ses maigres moyens ne lui permettent pas de leur donner autre chose que le strict nécessaire. Or, la jeune fille a un appétit d’ogre, se sentant capable d’avaler douze côtelettes d’affilée. Le boucher chez qui Léonie a pris l’habitude de faire ses courses a, lui aussi, remarqué que le teint d’Emma prenait une pâleur inquiétante. Aussi, décide-t-il spontanément d’ouvrir un crédit à sa mère : «Vous me paierez plus tard quand elle sera au théâtre. J’ai confiance. Avec la voix qu’elle a, elle va réussir». Il faut ici préciser que le boucher en question est également le voisin de la famille Calvet et qu’il a donc tout le loisir d’écouter les répétitions de la future diva. A partir de ce moment, les Calvet auront droit à un gigot par semaine et sans avoir à débourser le moindre sou. Bien entendu, Emma finira par régler ses dettes, comme elle ne manquera pas non plus d’inviter le boucher au grand cœur à chacune de ses représentations : «Engagée à l’Opéra-Comique, je n’eus garde d’oublier le brave homme qui, toutes les fois que je chantais, avait de bons fauteuils d’orchestre pour lui et sa famille ; et il ne manquait jamais de dire à ses voisins, en applaudissant à tour de bras : ‘‘Quelle belle voix, hein ? Eh bien ! c’est grâce aux bons gigots que je vendais à sa maman !’’».
Après lui avoir fait étudier tout le répertoire classique, Puget juge que son élève est enfin prête pour monter sur scène et signer ses premiers contrats. Il y a, cependant, un dernier détail qui le chiffonne : ce nom de «Calvet» qui, selon lui, ne fait pas suffisamment «artiste». Il craint, d’autre part, que le «t» final n’amène à prononcer «Calvette». C’est décidé, Emma modifiera son nom pour adopter celui de Calvé ! Et voilà notre jeune cantatrice donnant son premier récital à Paris, dans une petite salle de la rue de la Tour-d’Auvergne. Si le public est peu nombreux, il se montre enthousiaste, encourageant Emma à poursuive dans la voie artistique et lui rapportant son premier cachet : cinquante francs. Puis, vient l’année 1881 où, grâce à la recommandation de Puget, Emma se voit ouvrir les portes de la Monnaie de Bruxelles, le premier théâtre de Belgique. Elle est engagée pour jouer le rôle de Marguerite dans le «Faust» de Gounod. Elle touchera, pendant un an, la somme de 700 frs par mois, ce qui n’est pas encore la fortune mais en donne un avant-goût certain. Calabresi, le directeur de la «Monnaie», est rapidement conquis par ce jeune prodige, au point de lui faire signer un nouveau contrat pour l’année suivante avec, à la clef, l’alléchante rémunération de 1.200 frs par mois. En plus de donner sa voix à Marguerite, Emma devra interpréter Alice dans «Robert le Diable» (opéra en cinq actes composé par Giacomo Meyerbeer) et Salomé dans «Hérodiade» (opéra en quatre actes composé par Jules Massenet). C’est dans ce dernier rôle — celui de Salomé — qu’Emma va donner la pleine mesure de son talent. Elle sait, désormais, que ce sont les rôles d’amoureuses passionnées qui s’accordent le mieux avec son tempérament volcanique. Toutefois, cette perfectionniste dans l’âme estime qu’elle a encore des progrès à faire. Aussi, de retour à Paris, à la fin de l’année 1883, elle décide de suivre les cours dispensés, rue Jouffroy, par Mathilde Marchesi, autrement connue sous le surnom de «la Prussienne», sobriquet dont on l’a affublée tant pour son autoritarisme que pour le son guttural de sa voix (n’est-elle pas d’origine allemande ?). Chez la Prussienne, la discipline est de fer et on ne prend pas trop de précautions pour ménager les cordes vocales, ces organes pourtant si fragiles. Au bout de six mois d’un tel traitement, Emma décide de quitter l’école de musique de la rue Jouffroy, mais sans aucune rancœur pour son professeur qui saura quand même lui témoigner quelque sympathie. Cette formation, pour brutale qu’elle fut, aura quand même permis à Emma de développer sa voix vers les aigus, lui permettant ainsi d’aborder de nouveaux rôles, comme celui d’Ophélie. Après quelques mois d’inactivité, le soprano (voire mezzo-soprano) Emma Calvé se voit proposer par Victor Maurel, célèbre baryton et directeur du théâtre des Italiens à Paris, le principal rôle féminin dans le nouvel opéra de Théodore Dubois : Aben Hamet. Son contrat, l’engageant du 1 er novembre 1884 jusqu’au 30 avril 1885, prévoit qu’elle devra également chanter dans Le Trouvère, Rigoletto, Don Giovanni et La Traviata. Malheureusement, Aben Hamet, dont la première a lieu le 16 décembre 1884, ne rencontre pas le succès espéré, au point que le théâtre des Italiens doit fermer ses portes ! Pour autant, Emma ne restera pas très longtemps au chômage. La voilà engagée à l’Opéra-Comique pour jouer le rôle de la comtesse Hélène dans la toute nouvelle œuvre lyrique de Victorien Joncières : Le Chevalier Jean. Cet opéra remporte un franc succès et Emma Calvé n’est pas la dernière à s’y faire remarquer, comme en attestent ces quelques mots d’Ernest Reyer : «Mlle Calvé possède une fort belle voix, une diction parfaite et elle sait réduire cette voix puissante et bien placée aux pianissimo les plus délicats. Son succès a été très grand et très mérité». Seule ombre au tableau : le caractère de feu d’Emma s’associe mal avec celui de Léon Carvalho, le directeur de la salle Favart. Toutefois, ces deux-là devront de nouveau se supporter pour le plus grand bien de leur prospérité respective…
À suivre…
Sans doute peut-elle aussi bénéficier de la proverbiale solidarité aveyronnaise. En effet, depuis 1850, beaucoup d’Aveyronnais ont immigré à Paris — où ils tiennent bien souvent des commerces de bois et charbons associés à des brasseries — et forment désormais une communauté très soudée. Nous nous souvenons, d’ailleurs, d’une époque pas si lointaine où il suffisait de faire état de son origine aveyronnaise (gage pour un employeur d’avoir affaire à un travailleur infatigable) pour être aussitôt engagé dans un café parisien. Toujours est-il que Léonie, exerçant maintenant la profession de lingère à domicile, a trouvé suffisamment de clients pour nourrir son petit monde. Cependant, ce n’est pas pour trouver du travail que la mère d’Emma est montée à Paris, mais pour favoriser la carrière artistique de sa fille. A cet effet, il convient, tout d’abord, de lui trouver un professeur de chant qui saura transformer cette petite alouette des champs en un admirable rossignol.
Ses premiers cours de chant
Le choix de Léonie et d’Emma se porte alors sur Jules Puget, un ancien ténor de l’Opéra-Comique dont les cours ont grande réputation. Toutefois, ces mêmes cours ont un coût que ne peut supporter une simple lingère. Aussi, Léonie a-t-elle l’idée de lui proposer le marché suivant : Puget formera sa jeune élève à crédit, étant entendu qu’Emma ne commencera à s’acquitter du montant de ses leçons que lorsqu’elle percevra ses premiers cachets (le prix des cours sera alors prélevé sur les sommes perçues par Emma pendant ses deux premières années théâtrales). Pour que Puget accepte un tel contrat, il faut qu’il ait une totale confiance en l’avenir de son élève, et donc en son talent naturel. Jules Puget va s’avérer être un excellent professeur, apprenant à Emma à poser sa voix et à contrôler son souffle (pour le maître : «pas de souffle, pas de chant»). Emma devra également intégrer tout ce qui fait la valeur d’une cantatrice, soit le courage, l’endurance, la patience et l’humilité. Au cours des deux années que durera l’apprentissage d’Emma, Jules Puget lui demandera d’acquérir un minimum de culture générale qui, selon lui, est indispensable pour aborder l’étude d’un rôle. Emma se pliera bien volontiers à cet ordre impérieux, comme en témoigne cet extrait de ses Mémoires publiés sous le titre «Sous tous les ciels j’ai chanté» : «Élevée dans un couvent de province d’où je sortis à l’âge de quinze ans sans avoir pu terminer mes études, j’étais ignorante comme une carpe. Mais j’avais le désir fou de m’instruire. Je parcourais les musées, pleurant de mon incompréhension devant un beau tableau, ou lorsque je lisais des ouvrages trop savants. Je ne connaissais personne pour m’éclairer, hélas ! Mon maître avait mis sa bibliothèque à ma disposition. Je dévorais Chateaubriand, Balzac, Musset, Lamartine que je lisais bien avant dans la nuit, à la lueur d’une bougie, baignant mes pieds dans l’eau froide durant des heures, afin de ne pas me laisser gagner par le sommeil». Pour Puget, travailler sur la voix est une chose, mais incarner un personnage en est une autre. Pour reprendre les mots du maître adressés, un jour, à Emma : «On doit savoir quelle Marguerite tu chantes — Berlioz ou Gounod — rien qu’à te voir entrer en scène». C’est pour cette raison qu’il demandera à Emma d’étudier les œuvres littéraires dont sont parfois issus les rôles qu’elle doit interpréter. Voilà un judicieux conseil qu’Emma n’oubliera jamais, allant même jusqu’à s’imprégner de l’atmosphère des pays — et des milieux — d’où sont tirés ces personnages. Ce souci du détail l’habitera tout au long de sa carrière, lui permettant d’incarner véritablement toutes ces héroïnes auxquelles elle donnera vie ; car Emma est plus qu’une cantatrice, c’est aussi une comédienne, ou plutôt une tragédienne, de talent qui révolutionnera l’art lyrique.
En attendant, il lui faut se débarrasser de cet accent rocailleux du Rouergue qui risque de lui porter préjudice. C’est chose faite au bout de six mois seulement, ce qui fera dire à l’une de ses condisciples du cours Puget : «L’Auvergnate (sic) se parisianise». Dès le début, Emma s’est dépensée sans compter pour réussir. Mais cette débauche d’énergie commence à affecter sa santé qui est pourtant solide. Le problème est qu’elle ne mange pas à sa faim, même si son petit frère a pris l’habitude de lui proposer son morceau de pain. Ce n’est pas que Léonie affame ses enfants, mais ses maigres moyens ne lui permettent pas de leur donner autre chose que le strict nécessaire. Or, la jeune fille a un appétit d’ogre, se sentant capable d’avaler douze côtelettes d’affilée. Le boucher chez qui Léonie a pris l’habitude de faire ses courses a, lui aussi, remarqué que le teint d’Emma prenait une pâleur inquiétante. Aussi, décide-t-il spontanément d’ouvrir un crédit à sa mère : «Vous me paierez plus tard quand elle sera au théâtre. J’ai confiance. Avec la voix qu’elle a, elle va réussir». Il faut ici préciser que le boucher en question est également le voisin de la famille Calvet et qu’il a donc tout le loisir d’écouter les répétitions de la future diva. A partir de ce moment, les Calvet auront droit à un gigot par semaine et sans avoir à débourser le moindre sou. Bien entendu, Emma finira par régler ses dettes, comme elle ne manquera pas non plus d’inviter le boucher au grand cœur à chacune de ses représentations : «Engagée à l’Opéra-Comique, je n’eus garde d’oublier le brave homme qui, toutes les fois que je chantais, avait de bons fauteuils d’orchestre pour lui et sa famille ; et il ne manquait jamais de dire à ses voisins, en applaudissant à tour de bras : ‘‘Quelle belle voix, hein ? Eh bien ! c’est grâce aux bons gigots que je vendais à sa maman !’’».
La carrière d’Emma Calvé démarre
Après lui avoir fait étudier tout le répertoire classique, Puget juge que son élève est enfin prête pour monter sur scène et signer ses premiers contrats. Il y a, cependant, un dernier détail qui le chiffonne : ce nom de «Calvet» qui, selon lui, ne fait pas suffisamment «artiste». Il craint, d’autre part, que le «t» final n’amène à prononcer «Calvette». C’est décidé, Emma modifiera son nom pour adopter celui de Calvé ! Et voilà notre jeune cantatrice donnant son premier récital à Paris, dans une petite salle de la rue de la Tour-d’Auvergne. Si le public est peu nombreux, il se montre enthousiaste, encourageant Emma à poursuive dans la voie artistique et lui rapportant son premier cachet : cinquante francs. Puis, vient l’année 1881 où, grâce à la recommandation de Puget, Emma se voit ouvrir les portes de la Monnaie de Bruxelles, le premier théâtre de Belgique. Elle est engagée pour jouer le rôle de Marguerite dans le «Faust» de Gounod. Elle touchera, pendant un an, la somme de 700 frs par mois, ce qui n’est pas encore la fortune mais en donne un avant-goût certain. Calabresi, le directeur de la «Monnaie», est rapidement conquis par ce jeune prodige, au point de lui faire signer un nouveau contrat pour l’année suivante avec, à la clef, l’alléchante rémunération de 1.200 frs par mois. En plus de donner sa voix à Marguerite, Emma devra interpréter Alice dans «Robert le Diable» (opéra en cinq actes composé par Giacomo Meyerbeer) et Salomé dans «Hérodiade» (opéra en quatre actes composé par Jules Massenet). C’est dans ce dernier rôle — celui de Salomé — qu’Emma va donner la pleine mesure de son talent. Elle sait, désormais, que ce sont les rôles d’amoureuses passionnées qui s’accordent le mieux avec son tempérament volcanique. Toutefois, cette perfectionniste dans l’âme estime qu’elle a encore des progrès à faire. Aussi, de retour à Paris, à la fin de l’année 1883, elle décide de suivre les cours dispensés, rue Jouffroy, par Mathilde Marchesi, autrement connue sous le surnom de «la Prussienne», sobriquet dont on l’a affublée tant pour son autoritarisme que pour le son guttural de sa voix (n’est-elle pas d’origine allemande ?). Chez la Prussienne, la discipline est de fer et on ne prend pas trop de précautions pour ménager les cordes vocales, ces organes pourtant si fragiles. Au bout de six mois d’un tel traitement, Emma décide de quitter l’école de musique de la rue Jouffroy, mais sans aucune rancœur pour son professeur qui saura quand même lui témoigner quelque sympathie. Cette formation, pour brutale qu’elle fut, aura quand même permis à Emma de développer sa voix vers les aigus, lui permettant ainsi d’aborder de nouveaux rôles, comme celui d’Ophélie. Après quelques mois d’inactivité, le soprano (voire mezzo-soprano) Emma Calvé se voit proposer par Victor Maurel, célèbre baryton et directeur du théâtre des Italiens à Paris, le principal rôle féminin dans le nouvel opéra de Théodore Dubois : Aben Hamet. Son contrat, l’engageant du 1 er novembre 1884 jusqu’au 30 avril 1885, prévoit qu’elle devra également chanter dans Le Trouvère, Rigoletto, Don Giovanni et La Traviata. Malheureusement, Aben Hamet, dont la première a lieu le 16 décembre 1884, ne rencontre pas le succès espéré, au point que le théâtre des Italiens doit fermer ses portes ! Pour autant, Emma ne restera pas très longtemps au chômage. La voilà engagée à l’Opéra-Comique pour jouer le rôle de la comtesse Hélène dans la toute nouvelle œuvre lyrique de Victorien Joncières : Le Chevalier Jean. Cet opéra remporte un franc succès et Emma Calvé n’est pas la dernière à s’y faire remarquer, comme en attestent ces quelques mots d’Ernest Reyer : «Mlle Calvé possède une fort belle voix, une diction parfaite et elle sait réduire cette voix puissante et bien placée aux pianissimo les plus délicats. Son succès a été très grand et très mérité». Seule ombre au tableau : le caractère de feu d’Emma s’associe mal avec celui de Léon Carvalho, le directeur de la salle Favart. Toutefois, ces deux-là devront de nouveau se supporter pour le plus grand bien de leur prospérité respective…
À suivre…
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