François-Joseph Fabié vit le jour au moulin de Roupeyrac, commune de Durenque, le 3 novembre 1846. Ce moulin de campagne, avec sa scierie et ses bois environnants, était un lieu proprement enchanteur qui ne pouvait que favoriser l’âme poétique du jeune François-Joseph. Ce dernier avait pour mère Rose Séguret, fille d’agriculteurs. C’est à elle qu’il devait sa sensibilité, son esprit religieux et son amour inconditionnel pour la nature. François Fabié, son père, exerçant à la fois les professions de meunier et de bûcheron, lui transmit, quant à lui, le goût de l’effort et son physique, soit une taille à peine moyenne et un corps svelte d’apparence nerveuse.
C’est à son père que François-Joseph Fabié rendit hommage dans son premier ouvrage publié en 1879, «La Poésie des bêtes», dont nous avons extrait le passage qui suit :
«C’est à toi que je veux offrir mes premiers vers,
Père ! J’en ai cueilli les strophes un peu rudes
Là-haut, dans ton Rouergue aux âpres solitudes,
Parmi les bois touffus et les genêts amers
(…)
Je dirai que c’est là mon destin et ma tâche,
De chanter la forêt qui nous a tous nourris,
Et de me souvenir, chaque fois que j’écris,
Que ma plume rustique est fille de ta hache».
Voilà de magnifiques vers que son père, cependant, aura été incapable de lire, ainsi que nous le rappelle François-Joseph Fabié dans sa «Poésie des Bêtes» :
«Tu ne les liras pas, je le sais, ô mon père,
Car tu ne sais pas lire, hélas, et toi qui fis
Tant d’efforts pour donner des maîtres à ton fils
On ne te mit jamais à l’école primaire».
Souhaitant pour son fils aîné un meilleur sort que le sien, le père Fabié envoya François-Joseph à l’école primaire de Durenque dès qu’il eut atteint l’âge de cinq ans, et non sans lui avoir préalablement acheté un très bel alphabet. Voici donc notre François-Joseph prenant le chemin de l’école, une bûche sur l’épaule, car, à cette époque, les élèves devaient fournir le bois servant à chauffer leur classe. Très vite, le fils du meunier se montra supérieur aux autres enfants, apprenant avec une extrême facilité. Cette excellence, il allait, du reste, la conserver tout au long de sa scolarité. En 1857, soit à l’âge de onze ans, il entre au collège des frères de la paroisse de Saint-Amans à Rodez. Sa boulimie d’apprendre l’amènera, trois ans plus tard, à pousser la porte de la bibliothèque publique. Le premier livre qu’il emprunte n’est autre que l’Histoire naturelle de Buffon. Cet ouvrage le ravit, car il lui permit d’assouvir aussi bien son goût pour la lecture que pour les sciences naturelles. Dès lors, il se met à lire tout ce qui lui tombe sous la main, ayant toutefois une prédilection pour les auteurs classiques. C’est ainsi qu’il va se plonger dans la lecture de Corneille, Boileau, Molière, Bossuet, Fénelon, etc. Du statut d’élève, il rêve maintenant d’accéder à celui d’enseignant. Aussi, passe-t-il le concours d’entrée à l’Ecole normale de Rodez, en 1865, où il est reçu premier de sa promotion. C’est à l’Ecole normale qu’il commence à versifier, faisant de lui le poète de l’Ecole. En 1868, il passe avec succès ses examens de fin d’études. Dans la foulée, il intègre la prestigieuse Ecole normale spéciale de Cluny grâce à une bourse qui lui est accordée par le ministre de l’instruction publique. Il en sort en 1870, encore une fois classé premier de sa promotion. Sa carrière commence en 1871, avec un poste de professeur au collège de Villefranche-de-Rouergue. L’année suivante, il est nommé instituteur-adjoint à Rodez. Mais à partir de 1872, le voilà forcé de s’exiler à Toulon où il devient chargé de cours au lycée de ladite ville. Quatre ans plus tard, après avoir passé l’agrégation, il devient professeur agrégé au même lycée, poste qu’il occupera jusqu’en 1883. C’est durant son séjour à Toulon qu’il publiera ses premiers poèmes (dans des journaux de Rodez et de Toulon). A la même époque, il est invité dans des réunions mondaines où on lui demande de déclamer ses vers. C’est à l’occasion d’une de ces réunions qu’il fait la connaissance de sa future épouse, Magdelaine Victorine Gabert. En plus d’un physique avenant, la demoiselle présente une vivacité d’esprit qui ne manque pas de lui plaire. Le soir même de leur rencontre, il lui fait parvenir un poème de sa composition. Le lendemain, il est invité à venir prendre le thé chez les Gabert. Tout va désormais très vite : le mariage de nos deux tourtereaux est célébré à Toulon le 30 juillet 1877. Onze mois après leur union, vient au monde une petite Lucie Marie Louise qui, malheureusement, ne vivra pas très longtemps. Le chagrin des parents sera quelque peu atténué par la venue au monde d’une autre petite fille, Marie Albertine Marguerite, née en 1881. Deux ans après cette naissance, on propose à François-Joseph un poste de professeur de littérature au prestigieux lycée Charlemagne de Paris. Malgré l’honneur qui lui est fait, Fabié, rebuté à l’idée de vivre dans une aussi grande ville, est sur le point de refuser. Toutefois, sa femme le convainc d’accepter, lui faisant comprendre que ce n’est qu’à Paris que son œuvre pourra rencontrer le succès espéré. Le couple et leur fille emménagent donc dans la capitale en 1883, au 56 boulevard Saint-Germain. Introduit dans le monde littéraire et théâtral, il fera notamment la connaissance de François Edouard Joachim Coppée qui deviendra son mentor en plus d’être son ami. A Paris, la production littéraire de Fabié s’accélère, de véritables chefs-d’œuvre sortant de sa plume, à l’instar de ce recueil de poèmes intitulé “Le Clocher” (1887) où notre poète ne cesse de chanter les gens de la terre et son Rouergue natal :
«Ah ! ceux-là sont heureux, faucheurs, faneurs, bergères,
Qui, le long des ruisseaux ou le long des forêts,
Travaillent en chantant sous les ombres légères,
Boivent l’eau de la source, ou, dans la cruche en grès
Qu’abrite du soleil l’herbe fraîche coupée,
Trouvent, lorsque l’effort amollit leur vigueur,
Le vin rouge qui met, d’une seule lampée,
La fraîcheur à la bouche et l’énergie au cœur».
«Ô clocher de Rodez, qu’on voit de trente lieues !
Toi qui, par le ciseau de nos aïeux sculpté,
Au-dessus du sommet où leur foi t’a planté,
Jaillis à trois cents pieds dans les régions bleues !
Comme le roi des monts, tu vibres dans le vent ;
Et lorsque la tempête en rugissant t’assaille,
On sent une âme en toi qui s’agite et tressaille
Et l’arbre de granit comme l’autre est vivant».
D’autres joyaux de ce genre verront le jour, comme “La Bonne Terre” (1889) ou “Les Voix Rustiques” (1892), valant à leur auteur une renommée considérable. Du reste, cette célébrité s'accompagna de prix décernés par l'Académie française (trois en tout) et de la remise d'une décoration, celle de chevalier de la Légion d'honneur (François-Joseph Fabié fut nommé chevalier de la Légion d'honneur par décret du 19 juillet 1892). A partir de 1899, François-Joseph Fabié, qui commence à avoir des problèmes d'audition, songe à quitter l'enseignement proprement dit pour se consacrer à des tâches purement administratives. Aussi, décide-t-il de poser sa candidature à la direction de l'Ecole Colbert. Il en sera le directeur pendant neuf ans, soit jusqu'en 1908 (c'est aussi à cette date qu'il fut promu au grade d'officier de la Légion d'honneur). Sa surdité devenant de plus en plus handicapante, il se résout à prendre sa retraite à l'âge de soixante-deux ans. Son souhait serait, naturellement, de revenir définitivement au pays après vingt-cinq années passées dans la capitale. Mais sa femme, une Toulonnaise, n'aime pas beaucoup l'Aveyron. De plus, elle fait valoir que les hivers y sont rudes, préférant de loin le climat provençal. François-Joseph Fabié finit donc par se ranger à son avis. Mais plutôt que de réintégrer Toulon, la famille Fabié va s'installer à quelques kilomètres de la ville portuaire, plus exactement à La Valette (aujourd'hui La Valette-du-Var). La retraite de Fabié ne se passe pourtant pas dans la sérénité, ayant la douleur de perdre sa deuxième fille, emportée en 1909 par une redoutable maladie de poitrine. La mort de sa fille lui inspira deux poèmes : “Jamais plus” et “Voix éteinte”. Puis, survint la Première Guerre mondiale qui réveilla son patriotisme. Il publia notamment dans le Journal de l'Aveyron de nombreuses poésies célébrant les soldats français du front. Ce travail fut ensuite réuni dans un recueil intitulé “Les Paysans et la Guerre”. Enfin, vint le jour où François-Joseph Fabié quitta ce bas monde. C'est le 18 juillet 1928 que le «poète du Rouergue» s'éteignit, sans doute avec le regret de savoir que sa dépouille ne serait pas inhumée en terre aveyronnaise, comme en attestent ces quelques vers :
«Si vous avez semé votre âge le plus beau,
Par les mille chemins où l’orgueil nous entraîne,
Le pays vous fera la vieillesse sereine,
Et l’ombre du clocher est si douce au tombeau !».
L’auteur tient à remercier ici Mmes Jakie Canac et Francine Barthes pour les photos qui illustrent le présent article. Il recommande également la visite, cet été, des moulins de Roupeyrac — Maison d’écrivain François Fabié à Durenque.
C’est à son père que François-Joseph Fabié rendit hommage dans son premier ouvrage publié en 1879, «La Poésie des bêtes», dont nous avons extrait le passage qui suit :
«C’est à toi que je veux offrir mes premiers vers,
Père ! J’en ai cueilli les strophes un peu rudes
Là-haut, dans ton Rouergue aux âpres solitudes,
Parmi les bois touffus et les genêts amers
(…)
Je dirai que c’est là mon destin et ma tâche,
De chanter la forêt qui nous a tous nourris,
Et de me souvenir, chaque fois que j’écris,
Que ma plume rustique est fille de ta hache».
Voilà de magnifiques vers que son père, cependant, aura été incapable de lire, ainsi que nous le rappelle François-Joseph Fabié dans sa «Poésie des Bêtes» :
«Tu ne les liras pas, je le sais, ô mon père,
Car tu ne sais pas lire, hélas, et toi qui fis
Tant d’efforts pour donner des maîtres à ton fils
On ne te mit jamais à l’école primaire».
Souhaitant pour son fils aîné un meilleur sort que le sien, le père Fabié envoya François-Joseph à l’école primaire de Durenque dès qu’il eut atteint l’âge de cinq ans, et non sans lui avoir préalablement acheté un très bel alphabet. Voici donc notre François-Joseph prenant le chemin de l’école, une bûche sur l’épaule, car, à cette époque, les élèves devaient fournir le bois servant à chauffer leur classe. Très vite, le fils du meunier se montra supérieur aux autres enfants, apprenant avec une extrême facilité. Cette excellence, il allait, du reste, la conserver tout au long de sa scolarité. En 1857, soit à l’âge de onze ans, il entre au collège des frères de la paroisse de Saint-Amans à Rodez. Sa boulimie d’apprendre l’amènera, trois ans plus tard, à pousser la porte de la bibliothèque publique. Le premier livre qu’il emprunte n’est autre que l’Histoire naturelle de Buffon. Cet ouvrage le ravit, car il lui permit d’assouvir aussi bien son goût pour la lecture que pour les sciences naturelles. Dès lors, il se met à lire tout ce qui lui tombe sous la main, ayant toutefois une prédilection pour les auteurs classiques. C’est ainsi qu’il va se plonger dans la lecture de Corneille, Boileau, Molière, Bossuet, Fénelon, etc. Du statut d’élève, il rêve maintenant d’accéder à celui d’enseignant. Aussi, passe-t-il le concours d’entrée à l’Ecole normale de Rodez, en 1865, où il est reçu premier de sa promotion. C’est à l’Ecole normale qu’il commence à versifier, faisant de lui le poète de l’Ecole. En 1868, il passe avec succès ses examens de fin d’études. Dans la foulée, il intègre la prestigieuse Ecole normale spéciale de Cluny grâce à une bourse qui lui est accordée par le ministre de l’instruction publique. Il en sort en 1870, encore une fois classé premier de sa promotion. Sa carrière commence en 1871, avec un poste de professeur au collège de Villefranche-de-Rouergue. L’année suivante, il est nommé instituteur-adjoint à Rodez. Mais à partir de 1872, le voilà forcé de s’exiler à Toulon où il devient chargé de cours au lycée de ladite ville. Quatre ans plus tard, après avoir passé l’agrégation, il devient professeur agrégé au même lycée, poste qu’il occupera jusqu’en 1883. C’est durant son séjour à Toulon qu’il publiera ses premiers poèmes (dans des journaux de Rodez et de Toulon). A la même époque, il est invité dans des réunions mondaines où on lui demande de déclamer ses vers. C’est à l’occasion d’une de ces réunions qu’il fait la connaissance de sa future épouse, Magdelaine Victorine Gabert. En plus d’un physique avenant, la demoiselle présente une vivacité d’esprit qui ne manque pas de lui plaire. Le soir même de leur rencontre, il lui fait parvenir un poème de sa composition. Le lendemain, il est invité à venir prendre le thé chez les Gabert. Tout va désormais très vite : le mariage de nos deux tourtereaux est célébré à Toulon le 30 juillet 1877. Onze mois après leur union, vient au monde une petite Lucie Marie Louise qui, malheureusement, ne vivra pas très longtemps. Le chagrin des parents sera quelque peu atténué par la venue au monde d’une autre petite fille, Marie Albertine Marguerite, née en 1881. Deux ans après cette naissance, on propose à François-Joseph un poste de professeur de littérature au prestigieux lycée Charlemagne de Paris. Malgré l’honneur qui lui est fait, Fabié, rebuté à l’idée de vivre dans une aussi grande ville, est sur le point de refuser. Toutefois, sa femme le convainc d’accepter, lui faisant comprendre que ce n’est qu’à Paris que son œuvre pourra rencontrer le succès espéré. Le couple et leur fille emménagent donc dans la capitale en 1883, au 56 boulevard Saint-Germain. Introduit dans le monde littéraire et théâtral, il fera notamment la connaissance de François Edouard Joachim Coppée qui deviendra son mentor en plus d’être son ami. A Paris, la production littéraire de Fabié s’accélère, de véritables chefs-d’œuvre sortant de sa plume, à l’instar de ce recueil de poèmes intitulé “Le Clocher” (1887) où notre poète ne cesse de chanter les gens de la terre et son Rouergue natal :
«Ah ! ceux-là sont heureux, faucheurs, faneurs, bergères,
Qui, le long des ruisseaux ou le long des forêts,
Travaillent en chantant sous les ombres légères,
Boivent l’eau de la source, ou, dans la cruche en grès
Qu’abrite du soleil l’herbe fraîche coupée,
Trouvent, lorsque l’effort amollit leur vigueur,
Le vin rouge qui met, d’une seule lampée,
La fraîcheur à la bouche et l’énergie au cœur».
«Ô clocher de Rodez, qu’on voit de trente lieues !
Toi qui, par le ciseau de nos aïeux sculpté,
Au-dessus du sommet où leur foi t’a planté,
Jaillis à trois cents pieds dans les régions bleues !
Comme le roi des monts, tu vibres dans le vent ;
Et lorsque la tempête en rugissant t’assaille,
On sent une âme en toi qui s’agite et tressaille
Et l’arbre de granit comme l’autre est vivant».
D’autres joyaux de ce genre verront le jour, comme “La Bonne Terre” (1889) ou “Les Voix Rustiques” (1892), valant à leur auteur une renommée considérable. Du reste, cette célébrité s'accompagna de prix décernés par l'Académie française (trois en tout) et de la remise d'une décoration, celle de chevalier de la Légion d'honneur (François-Joseph Fabié fut nommé chevalier de la Légion d'honneur par décret du 19 juillet 1892). A partir de 1899, François-Joseph Fabié, qui commence à avoir des problèmes d'audition, songe à quitter l'enseignement proprement dit pour se consacrer à des tâches purement administratives. Aussi, décide-t-il de poser sa candidature à la direction de l'Ecole Colbert. Il en sera le directeur pendant neuf ans, soit jusqu'en 1908 (c'est aussi à cette date qu'il fut promu au grade d'officier de la Légion d'honneur). Sa surdité devenant de plus en plus handicapante, il se résout à prendre sa retraite à l'âge de soixante-deux ans. Son souhait serait, naturellement, de revenir définitivement au pays après vingt-cinq années passées dans la capitale. Mais sa femme, une Toulonnaise, n'aime pas beaucoup l'Aveyron. De plus, elle fait valoir que les hivers y sont rudes, préférant de loin le climat provençal. François-Joseph Fabié finit donc par se ranger à son avis. Mais plutôt que de réintégrer Toulon, la famille Fabié va s'installer à quelques kilomètres de la ville portuaire, plus exactement à La Valette (aujourd'hui La Valette-du-Var). La retraite de Fabié ne se passe pourtant pas dans la sérénité, ayant la douleur de perdre sa deuxième fille, emportée en 1909 par une redoutable maladie de poitrine. La mort de sa fille lui inspira deux poèmes : “Jamais plus” et “Voix éteinte”. Puis, survint la Première Guerre mondiale qui réveilla son patriotisme. Il publia notamment dans le Journal de l'Aveyron de nombreuses poésies célébrant les soldats français du front. Ce travail fut ensuite réuni dans un recueil intitulé “Les Paysans et la Guerre”. Enfin, vint le jour où François-Joseph Fabié quitta ce bas monde. C'est le 18 juillet 1928 que le «poète du Rouergue» s'éteignit, sans doute avec le regret de savoir que sa dépouille ne serait pas inhumée en terre aveyronnaise, comme en attestent ces quelques vers :
«Si vous avez semé votre âge le plus beau,
Par les mille chemins où l’orgueil nous entraîne,
Le pays vous fera la vieillesse sereine,
Et l’ombre du clocher est si douce au tombeau !».
L’auteur tient à remercier ici Mmes Jakie Canac et Francine Barthes pour les photos qui illustrent le présent article. Il recommande également la visite, cet été, des moulins de Roupeyrac — Maison d’écrivain François Fabié à Durenque.
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