Couvent de Malet. Au revoir sœur Anne-Marie, bienvenue sœur Brigitte

Anne-Marie Cauvas, Gardoise originaire de Campestre-et-Luc, aux confins du Gard et de l’Aveyron, est entrée au couvent des Ursulines de Malet en 1958, un 6 octobre. 7 ans plus tard, en 1965, et toujours en octobre, elle devient professeur de mathématiques à Espalion, d’abord à Saint-Michel, puis à l’Immaculée Conception, où l’enseignement secondaire est regroupé en 1972, et où les nombreux élèves qui sont passés par sa classe l’ont connue sous le nom de sœur Cathy. Un poste d’enseignante qu’elle occupera jusqu’en octobre (encore) 1999. Entre-temps, en 1997, sœur Anne-Marie avait accédé aux responsabilités au couvent de Malet, siège d’une congrégation indépendante de sœurs ursulines, où elle sera élue supérieure en 2009, puis réélue en 2015.

Malet, de l'enseignement à l'hôtellerie

Durant toutes ces années passées à Malet, Anne-Marie a accompagné les plus importants changements que le couvent ait connus depuis sa fondation. Ancienne résidence des moines d'Aubrac, le domaine est racheté en 1806 par son régisseur, le docteur Guichard, qui souhaite créer une école de filles. Il fait appel à Jeanne Planchon, qui a été l'élève, à Mende, des Ursulines, ordre fondé en Italie en 1535 par Angèle Mérici, et dont la patronne est sainte Ursule, martyre du IV e siècle. C'est ainsi qu'une nouvelle branche des Ursulines est née, la congrégation de Malet étant reconnue officiellement en 1842. À la fin du XIX e siècle, elle est présente dans une dizaine de départements où elle compte plus d’une cinquantaine d’implantations dédiées à l'éducation, selon le souhait d'Angèle Mérici, comme à Malet, où cours ménager, collège, pensionnat et colonies ont perduré jusqu'en 1964.

Chantiers et reconversion

Alors que les religieuses continuent de s'impliquer dans l'enseignement, à Saint-Côme, Laissac ou à Espalion, l'aile “neuve” de Malet tombe en décrépitude. En 2000, les sœurs décident de la restaurer et, après avoir hésité entre maison de retraite ou établissement pour handicapés, optent pour l'hébergement. Les travaux sont achevés en 2004, et le nouvel espace comprenant une trentaine de chambres, cuisine, bibliothèque et auditorium est géré par les sœurs Anne-Marie, Marie-Robert, Saint-Paul et Marie-Roger, qui assument ménage et accueil des pélerins, en plein essor. En 2009 est créé l'Espace Rencontre Angèle Mérici, pour gérer le fonctionnement de la structure. «Une association fiscalisée», précise Anne-Marie, qui insiste sur le fait que «ce sont les biens propres de la congrégation qui ont financé les travaux».
En 2011, autre chantier, de taille, c'est la réfection du clocher, en péril, et de la chapelle. En 2013, les cuisines de Malet commencent à fournir les repas pour le portage de l'Association de Soins et Services à Domicile d'Espalion, puis pour les deux écoles de Saint-Côme, alors que la structure d'hébergement devient officiellement un hôtel deux étoiles en 2015, et que l'auditorium sert régulièrement pour des conférences, projections ou assemblées générales d'associations de la région. Par ailleurs, les sœurs de Malet accueillent également des familles de réfugiés dont Saint-Côme est parfois le premier point de chute en France. 2019, enfin, est une étape majeure dans l'histoire de Malet : la congrégation rejoint les Ursulines de l'Union Romaine, née en 1900 de l'association de plusieurs instituts d'Ursulines.

«Je pars tranquille»

Bien entendu, les religieuses de Malet, au nombre de 17, emploient du personnel laïque, de 9 à 14 personnes selon la saison, pour les aider dans leurs tâches, et Anne-Marie sait qu'elle peut s'appuyer sur Mélanie Vaccarella, comptable, secrétaire... Par ailleurs, il y a les bénévoles laïcs, étroitement associés à la gestion et à la vie de Malet : Jean-Paul Cammas, expert-comptable à la retraite, président de l'association Espace Angèle Mérici, et Michel Grac, enseignant également en retraite, qui s'occupe de Brescia, l'association créée en 2019 pour continuer à gérer les biens de la congrégation au sein de l'Union Romaine.
Anne-Marie, qui cache son émotion sous ses traits de femme de tête active, résume tout ça en peu de mots : «Il y a Jean-Paul, Michel, Mélanie et tous les salariés, et quand j'ai su que c'était Brigitte qui prenait le relais, je me suis dit que je pouvais partir tranquille». Sœur Brigitte, qui prend la suite d'Anne-Marie, est une autre femme d'action : originaire du Pas-de-Calais, elle suit une formation en philosophie avant de devenir enseignante dans la mouvance “méricienne”, de Lille à la Montagne Saint-Geneviève à Paris, en passant par Arras, Avallon, Beaugency ou Caen. Sœur Brigitte a également passé près de 15 ans à Rome dans l'administration, où elle est devenue “provinciale”, c'est-à-dire responsable, de l'Union Romaine France-Belgique-Espagne, à laquelle sont également associées les Ursulines de Grèce et du Vietnam.
C'est donc entre de bonnes mains qu'Anne-Marie laisse Malet, rappelant que le mouvement des ursulines est bien vivant : «Pour vivre il faut changer», rappelle Brigitte, une affirmation confirmée par Anne-Marie, pour qui «il faut que ça tourne et savoir se restructurer pour s'adapter». Pour preuve, le réseau méricien chapeaute l'éducation d'environ 20.000 élèves toutes catégories confondues en France.
Quant à Anne-Marie, elle va intégrer une maison d'ursulines à Toulouse, où elle participera à la vie de la paroisse et du quartier Jolimont. Vendredi 3 septembre, à quelques jours du départ, ses coreligionnaires, collaborateurs et amis se sont réunis pour un moment d'amitié au cours duquel, entre autres présents, on lui a offert un dessin représentant Malet spécialement réalisé par Hélène Lemouzy (La Hache), qu'Anne-Marie a eu comme élève à l'Immaculée.
Les yeux étaient un peu rouges, mais l'esprit détaché et tourné vers l'avenir.

XP