La «continuité écologique», outil de destruction des chaussées et des rivières
La Loi LEMA de 2006 est la transcription française de la Loi européenne sur l’eau de 2000. Cette dernière met en évidence la dépendance intellectuelle des écologistes européens vis-à-vis de concepts pensés aux Etats-Unis. Cette loi met en avant «la continuité des rivières» comme le révèle Wikipédia (1), ce concept est la mauvaise traduction de celui de «continuum fluvial» sagement abandonné outre-Atlantique depuis 1991 ! Traduit en français par les idéologues des «associations de gestion des poissons et de l’environnement», ce concept a été falsifié et converti en «continuité écologique».
Sur le plan scientifique, seulement appliquée aux rivières, cette formulation ne veut strictement rien dire car elle ne peut être définie. Le naturaliste, comme le géographe, ne peuvent déterminer qu’une seule «continuité écologique», celle de la terre tout entière. Le vivant ne se cantonne pas qu’aux rivières, comme le rappelle la pandémie de Covid-19. Pour mémoire, les nuages qui donnent la pluie, et donc l’eau de nos rivières, se forment sur les mers, non au-dessus des rivières.
En France, l’invention de la «continuité écologique» est le fruit d’une posture scientifique reliée à l’Imacof (Ingénierie des Milieux Aquatique et des Corridors Fluviaux) créé en 1989 à Tours. La rivière y est perçue comme un «corridor», un système, étanche, fermé sur lui-même, isolé, sans histoire et sans patrimoine hydraulique. On y étudie «la continuité écologique et sédimentaire». Chose très étonnante, cette «formule valise», ce concept, de «continuité écologique» ne se définit que par son absence, et par l’impérieuse nécessité de la restaurer ! Cette expression s’emploie souvent au pluriel ; on a donc inventé, la «continuité piscicole», la «continuité sédimentaire» et la «continuité hydraulique», formant ce qu’on appelle «les continuités écologiques». Le grand oublié de cette définition est l’homme qui vit pourtant au contact, en continuité avec les rivières, depuis plus de 12.000 ans, afin de boire l’eau potable mais aussi en l’adaptant à ses besoins de solvant ou d’énergie.
La Loi de 2006 offrit aux associations «gestionnaires des poissons et de l’environnement» l’opportunité historique de prendre le pouvoir politique sur le devenir des rivières. Leur projet de «restauration», de «remise au naturel» put enfin se concrétiser. Parmi les objectifs visés : le démantèlement des moulins, par la destruction de leurs prises d’eau ou chaussées, qu’on n’hésite pas à rebaptiser «obstacle» au sein du ROE, référentiel pseudo-scientifique déjà évoqué et dont la fonction première est d’intimider l’opinion comme le décideur politique. Sans études et expertises scientifiques pluridisciplinaires préalables, les chaussées ont ainsi été accusées : de bloquer les sédiments des rivières, de retenir l’eau, d’empêcher les poissons de circuler, de générer des inondations… Si tout cela était vrai, nos rivières seraient remplies de sables, déborderaient et divagueraient ! Chaque chaussée bloquerait l’eau et formerait un lac ! Les hommes n’auraient pu pêcher du poisson et s’en nourrir pendant des siècles.
La chaussée : le bouc émissaire parfait, l’obstacle à toute vie… surtout piscicole. Reste à comprendre pourquoi, parmi les ouvrages hydrauliques existants, ceux qui font réellement obstacle à la circulation de l’eau, des sédiments, et des poissons ; grands barrages hydrauliques pour l’eau potable, ou l’hydroélectricité, retenues collinaires pour l’irrigation agricole, obstacles «naturels» que sont les cascades, rapides, et barrages de castors, ne sont jamais concernés par la «continuité écologique» et dispensés d’échelles à poisson (à suivre).
1. https://fr.wikipedia.org/wiki/Continuum_fluvial
Photo : Saint-Bonnet-de-Bellac (Haute-Vienne). L’automne au Moulin du Breuil, avec sa chaussée sur la Gartempe (photo JPH Azéma, novembre 2015).
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