Inventaire des fonctions méconnues de l’ouvrage (3/6)
Une oasis de biodiversité exceptionnelle dans nos vallées
La chaussée joue un rôle capital en matière d’évapotranspiration.
Toute zone humide atténue les chocs thermiques environnementaux par le biais de l’évapotranspiration intense, et l’inertie thermique de sa masse d’eau. Les arbres et formations végétales linéaires qui accompagnent la retenue concourent à maintenir une atmosphère humide en été.
La chaussée créatrice d’une riche ripisylve (végétation de rive)
Le plan d’eau du remous est également favorable à la ripisylve. En été, les arbres qui composent cette forêt souffrent moins du manque d’eau que les autres, et ils abritent une grande diversité d’oiseaux, qui y font leur nid ou se logent dans leurs parties creuses. La présence de chauve-souris, au sein des vieux arbres, est un indicateur d’une grande diversité d’insectes dont elles se nourrissent la nuit.
La chaussée, un écotone très important
Le plan d’eau du remous sert d’habitat à un grand nombre d’animaux. Comme le barrage de castors, c’est une zone de confrontation de milieux différents, source d’une très grande biodiversité. On y trouve les contacts biologiques suivants : eau-ripisylve (berges boisées), eau-espace rural voisin, eau-milieu atmosphérique, faciès lotique (rapide), faciès lentique (lent). C’est ce que l’on nomme un écotone. De nombreuses espèces aquatiques ne peuvent survivre que dans les eaux ralenties ou stagnantes, parmi lesquelles de nombreux insectes, indispensables à nombre d’oiseaux et de chauves-souris.
Comme cela est encore le cas lors de la création des mares ou retenues engendrées par les barrages de castors, la création de chaussées de moulins, il y a 1.200 ans, a contribué, et contribue toujours, à la préservation de la diversité biologique des cours d’eau. En effet, l’eau n’obéit à aucune idéologie, ni religion : elle s’écoule la plupart du temps en continu, et la vie se développe à sa suite, sans autorisation administrative.
Chaque fois que, sous l’effet du travail humain ou de celui du castor, le cours de l’eau est ralenti, il répond toujours de la même manière. La nature a toujours raison.
Il est à noter aussi que dans le lit des rivières, les sédiments de graviers sont plus oxygénés mais peu productifs en termes de biomasse. Les sédiments argileux, qui se déposent devant la zone du remous, sont parmi les plus productifs en biomasse. En Californie, en 1961, à Sagen Creek (Wikipedia, Gard, R, 1961), on constatait que les truites étaient nettement plus grosses et grandes dans les retenues d’eau liées aux barrages de castors que dans le reste du cours d’eau.
En eaux moyennes ou en période estivale, au moment de l’étiage, la crête de chaque chaussée est un lieu privilégié de franchissement d’une berge à l’autre, pour les hommes et animaux. Les mammifères terrestres trouvent là le point d’eau permanent qui leur assure une vie durable. Ils font parfois des dizaines de kilomètres pour se désaltérer, se laver, se reposer en cet endroit. Les services rendus sont donc innombrables et incalculables. A contrario, les faciès lotiques sont plus pauvres au niveau de la biodiversité. Transformer toutes les rivières, en leur donnant un faciès lotique, serait donc désastreux et s’apparente à un écocide, c'est-à-dire la destruction brutale et irréversible d’un écosystème rare.
Photo : Saint-Georges-de-Luzençon (Aveyron). Chaussée du Moulin de Paillès, sur le Cernon. Ce magnifique ouvrage en pierre de taille du XVIIe siècle, bénéficie d’une forêt linéaire exceptionnelle menacée de destruction par une politique abusive. L’ouvrage, qui n’inonde qu’au-dessus de lui-même, est accusé d’inonder le village ! Mais où est ce village ? A 430 m au-dessous de la chaussée. (Photo JPH Azéma février 2021)
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