1888. Espalion, cinquième ville de France électrifiée grâce au Moulin d’Olt et à sa chaussée (1/2)
Le cadre général conjoncturel étant posé, il paraît nécessaire de revenir sur la situation locale espalionnaise, comme cas d’école ; d’abord par la singularité de son histoire, et ensuite en rapport aux transformations projetées dans le lit du Lot, dans un proche avenir.
Les hasards des relations des hommes et de l’histoire ont permis à la capitale du Nord-Aveyron de devenir, en 1888, la première ville du département, et la cinquième de France à être éclairée par la lumière électrique, d’origine hydraulique. Avant elle, Bellegarde-sur-Valserine (01), La Roche-sur-Foron (74), Bourganeuf (23) et Châteaulin (29) furent ses devancières. La production de cette énergie seconde (générée par une autre source d’énergie dite primaire) ne fut rendue possible que grâce à la présence d’un antique moulin hydraulique, et à sa chaussée établie sur le Lot.
Le moulin d’Olt et sa chaussée : un ensemble structurant de la ville
Installé depuis de longs siècles sur la rive droite du Lot, le Moulin d’Olt est au cœur du quartier économique et industriel où les tanneries sont reines. Situé 120 m en aval du pont-vieux, il a structuré, autour de lui, l’organisation spatiale de la ville côté nord. Le pont-vieux (d’abord) le raccorde au quartier sud où se tiennent les pouvoirs politique et religieux.
La situation de ce bâtiment et de sa chaussée ne doivent rien au hasard. Il fut bâti le plus en aval possible de la ville, en rive droite, sur des sols rocheux fermes. En 1826, le plan du Cadastre Napoléonien (AD12 3 P 096-19) le représente avec trois petites roues placées au cœur du bâtiment. C’est un moulin de type \"en bout de chaussée\". Cela signifie que le moulin est inscrit dans le lit mineur de la rivière, au ras de la berge, et qu’il est contigu avec la chaussée dont l’ancrage de rive droite s’appuie sur le moulin.
Pour obtenir une chute disposant d’une puissance intéressante, le concepteur et le constructeur du moulin ont pris soin de créer un canal de fuite (en réalité deux parallèles), et de le prolonger sur une longueur de 57 mètres. Le niveau du canal étant inférieur à celui du fond du Lot, des murs maçonnés, appelés \"épis\" permettent d’isoler les circulations d’eau issues du moulin de celles du Lot, et de gagner quelques centimètres de chute. L’interférence du débit du Lot, refluant immédiatement en aval du moulin, réduirait la chute et donc la puissance énergétique du moulin, la raison d’être de cette construction.
La chaussée, ouvrage en forme de chevron, est l’accessoire qui assure la prise d’eau et donc le fonctionnement du moulin. La branche nord, la plus longue, dotée d’une vanne de fond, s’appuie contre le moulin. Elle traverse en diagonale le lit du Lot sur 55,6 m, soit la moitié de sa largeur. La deuxième branche s’ancre sur la rive gauche et mesure 38,65 m. L’ensemble mesure 94,25 m. La largeur du parement aval de l’ouvrage est de 3,50 m. La hauteur de chute est de 1,50 m. Cette chaussée ne servait pas qu’au seul moulin à grain. Elle générait, et génère encore, un \"remous\", c'est-à-dire un plan d’eau assez long qui s’étend, au sud-est, jusqu’au foiral. La présence de cette masse d’eau, assez profonde, fut un critère essentiel, pour l’implantation de nombreuses tanneries sur les 420 m de berges, situés sur cette même rive droite, en amont du moulin. Les tanneurs purent ainsi y établir des estacades en bois permettant d’opérer le travail de \"reverdissage\" et de \"rivière\" essentiel à leur métier. De ce fait, en 1826, le plan Napoléonien nous présente une ville équilibrée, où l’espace bâti est équitablement réparti sur les deux rives du Lot. (A suivre).
Photo : Espalion (Aveyron). Le Moulin d’Olt. Ce document précise la dénomination et la localisation des éléments constitutifs d’un moulin à eau et de son paysage. (Photo aérienne Géoportail IGN. Adaptation et graphisme JPH Azéma avril 2021).
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